Droit immobilier

Le problème des mesures de compensation environnementales (éco-points)

Le problème des mesures de compensation environnementales (éco-points)

 

 

L’idée est la suivante : la destruction d’éléments de valeur environnementale (biotopes, habitats, etc.) doit coûter à celui à qui profite cette destruction : il s’agit d’une taxe environnementale. Cette idée est basique, mais sa mise en application est problématique.

 

 

C’était une des innovations majeures de la loi du 18 juillet 2022 : l’introduction d’un système numérique d’évaluation et de compensation en éco-points, qui est destiné à permettre au ministre ayant l’Environnement dans ses attributions de déterminer l’envergure des mesures compensatoires requises dans le cadre de l’autorisation de projets de construction et/ou de lotissements de terrains (PAP).  Plusieurs règlements grand-ducaux du 1er août 2018 en ont précisé les modalités d’exécution.

 

 

 

L’approche traditionnelle en matière de mesures compensatoires

 

 

Dans toutes les lois précédentes était inscrit le principe que le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions pouvait accorder les autorisations en assortissant celles-ci de conditions. Celles-ci étaient destinées à compenser – en nature - le dommage environnemental généré par le projet du demandeur d’autorisation et de l’intégrer dans l’environnement naturel et notamment dans le paysage (par exemple : le permissionnaire devait-il réaliser une structure en bois non traité, des nouvelles plantations aux alentours, etc.).

 

 

En somme, il devait réparer ou compenser dans les faits, les conséquences négatives liées à son projet.

 

Ces mesures compensatoires consistaient alors dans des prescriptions spécifiques que le bénéficiaire de l’autorisation devait exécuter à titre de mesures compensatoires. L’une des mesures compensatoires ayant existé même avant la première loi concernant la protection de la nature, est constituée par le boisement compensatoire en cas de défrichement d’une forêt (changement d’affectation d’un terrain forestier), qui était imposée par la loi de 1951 concernant la protection des forêts. Après l’entrée en vigueur de la première loi sur la protection de la nature, le ministre pouvait assortir son autorisation pour un projet de construction à des conditions. 

 

 

Dans ce cadre il était habilité à exiger pour toute autre dégradation de l’environnement naturel des mesures compensatoires. Ainsi lorsqu’un projet de construction exigeait la suppression d’un ancien verger ou de haies vives, le bénéficiaire de l’autorisation devait planter sur un autre terrain un nouveau verger ou de nouvelles haies. Le ministre pouvait aussi prévoir des modifications du projet de demandeur de l’autorisation, qui avaient alors la fonction de mesures de compensation sur le site du projet. Ainsi pouvait-il imposer sur le site du projet de construction la conservation d’une valeur environnementale et son intégration dans le projet de construction, par exemple la conservation d’une haie naturelle ou d’un arbre âgé susceptibles de s’intégrer dans les zones de verdure autour de la construction projetée. Il pouvait aussi demander la mise à ciel ouvert d’un ruisseau en canalisation souterraine et sa renaturation dans les zones de verdure.

 

 

En résumé, il s’agissait de mesures concrètes et directes dans l’intérêt de l’environnement, à charge du permissionnaire, souvent donc du promoteur immobilier.

 

 

Mais cette approche traditionnelle comportait aussi certaines difficultés. Ainsi l’évaluation des dommages environnementaux et des mesures compensatoires se faisait, au moyen d’une appréciation ad hoc par l’administration et dans le cadre d’une concertation avec le maître de l’ouvrage. Cette façon de faire paraissait parfois trop subjective. L’exécution des mesures compensatoires incombait au maître de l’ouvrage. Celui-ci éprouvait cependant souvent des difficultés dans l’accomplissement de cette tâche, dans la mesure où il n’était pas nécessairement spécialiste en matière d’aménagement écologique.

 

 

Par ailleurs, les terrains susceptibles de servir à l’exécution des mesures compensatoires étant  le plus souvent des terrains agricoles, il se voyait confronté à l’opposition du propriétaire ou du locataire. En effet, le monde agricole a des problèmes avec le principe des mesures compensatoires, étant donné qu’il perd des terrains à deux niveaux, une fois pour l’implantation du projet de construction lui-même et une deuxième fois pour la réalisation des mesures compensatoires. Enfin, le contrôle de l’exécution des mesures compensatoires, réparties sur une multitude de projets et d’acteurs, soulevait des problèmes au niveau administratif. Il n’existait pas de comptabilité susceptible de mettre en évidence que les destructions de valeurs environnementales étaient effectivement contrebalancées par des créations de nouvelles valeurs environnementales.

 

 

 

Le système numérique de 2018

 

Pour assurer une meilleure efficacité des mesures compensatoires, et prévenir ainsi une dégradation progressive de l’environnement naturel, la loi de 2018 concernant la protection de la nature, et différents règlements grand-ducaux du 1er août 2018 ont introduit un système numérique pour l’évaluation des dommages générés par un projet et l’évaluation des mesures prévues pour compenser ces dommages.

 

 

Il faut donc évaluer la valeur écologique du terrain avant l’exécution du projet de construction (état initial) et une deuxième fois après l’exécution du projet de construction (état final).

 

 

Pour déterminer la valeur écologique de l’état initial du site du projet de construction, il suffit de comptabiliser les surfaces partielles qu’occupent sur le site différentes formes de végétation, telles que des bosquets, des haies vives, des structures herbacées (pelouses sèches, prairies humides, roselières, landes, pelouses maigres, gazon, etc.) ainsi que le nombre d’arbres solitaires.

 

 

La valeur écologique du terrain à l’état final se compose d’une part des éléments naturels ayant existé déjà à l’état initial et qui ont été conservés et intégrés dans les zones de verdure du projet de construction, et d’autre part des nouveaux éléments naturels créés par plantation, ensemencement ou succession naturelle.  Dans l’état final une valeur écologique peut aussi être attribuée à certains éléments bâtis, à savoir ceux qui sont végétalisables. Il peut s’agir par exemple des murs en maçonnerie sèche, des surfaces de circulation réalisés en concassé ou en pavés (parkings, chemins piétonniers, zones piétonnes, pistes pour les pompiers, chemins pour automobiles peu fréquentés, places de jeux, etc.), des bassins de rétention, des toits verts, etc.

 

 

L’un des règlements grand-ducaux du 1er août 2018 comporte dans une annexe une liste intitulée « liste des éléments à évaluer », dans laquelle sont énumérées les différentes formations végétales et les éléments bâtis végétalisables que l’on peut trouver sur le terrain à construire avant et après les travaux. Dans cette liste est attribué à chacun des éléments à évaluer un nombre d’éco-points qui exprime sa valeur écologique. Ainsi une haie vive bénéficie-t-elle d’une valeur écologique de 20 éco-points/ m2, un arbre isolé a une valeur écologique de 18 éco-points/centimètre de circonférence, une toiture végétale une valeur écologique de 10 éco-points/m2, un jardin privé ou communautaire une valeur écologique de 6 éco-points/m2.

 

 

La valeur d’un éco-point étant fixée par règlement grand-ducal à 1 €, il devient désormais possible d’attribuer une valeur économique à l’état du terrain avant et après les travaux.

 

 

La différence entre la valeur écologique de l’état final du site du projet de construction et la valeur écologique de l’état initial est le bilan écologique. Il correspond aux mesures compensatoires à exécuter à l’extérieur du site du projet de construction.

 

 

La loi prévoit en plus que l’exécution des mesures compensatoires à l’extérieur du site, n’est plus, comme dans le passé, à charge du le maître de l’ouvrage, mais serait assurée par l’Etat et les communes. Le maître de l’ouvrage, quant à lui, pourra ainsi se limiter à verser une taxe correspondant au bilan écologique de son projet de construction. Les taxes perçues alimenteront un fonds qui permettra à l’Etat et les communes de faire exécuter des projets écologiques. Les sites où seront réalisés ces projets sont appelés « pools compensatoires ».

 

 

D’après l’article 65 (1) de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature  « tout demandeur d’autorisation peut avoir recours aux mesures compensatoires réalisées ou projetées conformément à l’article 82 soit dans le pool compensatoire national soit dans les pools compensatoires régionaux et ceci contre le paiement d’une taxe de remboursement équivalente à la valeur monétaire de la différence en éco-points entre l’état initial avant travaux et l’état final des terrains après travaux. ».

 

 

En d’autres termes, la compensation environnementale résultant d’une destruction d’un biotope et/ou d’un habitat protégé se fait désormais par équivalent en euro, c’est-à-dire de manière abstraite et indirecte.

 

 

Le maître de l’ouvrage a donc intérêt à veiller à ce que le bilan écologique de son projet de construction, c’est-à-dire la différence entre l’état final et l’état initial, qui définit l’envergure des mesures compensatoires à réaliser à l’extérieur du site de son projet, soit aussi faible que possible, c’est-à-dire que la valeur écologique de l’état final soit aussi haute que possible.

 

 

Pour atteindre le but de créer une valeur écologique de l’état final aussi élevée que possible, le maître de l’ouvrage peut réaliser différentes mesures, qui sont appelées mesures compensatoires in situ. Elles peuvent consister tout d’abord à essayer de conserver un maximum des éléments de la végétation existante, qui ne gênent pas le projet de construction, par exemple des haies ou des arbres, mais même une prairie, et de les intégrer dans les zones de verdure du projet. Mais, le maître de l’ouvrage a, en plus, intérêt, d’une part, à créer de nouveaux éléments de verdure par plantation, ensemencement ou succession naturelle, et à réaliser, d’autre part, des éléments construits végétalisables.  Ces deux mesures lui permettront d’augmenter la valeur écologique de l’état final et de générer un bilan aussi faible que possible. Ainsi les mesures compensatoires à réaliser à l’extérieur du site seront d’une envergure limitée, et le montant de la taxe de remboursement restera peu élevé.

 

 

Il est intéressant de noter en plus que la maximisation de l’état écologique de l’état final, c’est-à-dire la mise en œuvre des mesures compensatoires sur le site du projet de construction, exige du maître de l’ouvrage de recourir à des méthodes de l’aménagement écologique, c’est-à-dire mettre à profit certains processus naturels, et ainsi réaliser des économies.  Le maître de l’ouvrage peut par exemple faire installer la végétation au moyen de la succession naturelle. Il peut donc économiser les dépenses pour la préparation du sol, l’ensemencement et la plantation. La renonciation aux bordures favorise la transition fluide des biotopes, alors que les bordures représentent un coût non négligeable dans un projet de construction. Pour favoriser le développement des biotopes, il faut par ailleurs diminuer l’intensité de l’entretien, c’est-à-dire renoncer à la taille trop intensive (mise en forme géométriques des arbustes, élagage des arbres), à l’épandage d’herbicides sur les surfaces en concassé ou en pavements, à la tonte trop fréquente de gazons, etc.  L’extensification de l’entretien conduit à de nouvelles économies.

 

 

Une approche écologique en matière de construction permet de réaliser des économies, parce que la nature fait le travail. Il faut se demander si la réglementation comporte suffisamment d’incitations à cet égard.

 

 

En conclusion de ce qui précède on peut constater que le nouveau système numérique a  plusieurs avantages, pour autant que les enjeux soient bien compris par les urbanistes et promoteurs :

-          il favorise l’aménagement urbain selon des critères écologiques, ce qui est favorable pour la diversité biologique, mais aussi pour la qualité de vie des résidents,

-          les maîtres de l’ouvrage peuvent se concentrer sur leur métier, à savoir la réalisation des projets de construction,

-          il y a moyen de réaliser des économies lors de la réalisation du projet de construction,

-          les fonds alimentés par la taxe permettent à l’Etat et aux communes de financer la mise en œuvre de projets écologiques d’envergure selon des priorités scientifiques et par une concentration des efforts.

 

 

Déficits de la nouvelle approche et propositions d’amélioration.

 

Le nouveau système, qui vient d’être introduit il y a à peine 4 ans, devra faire encore ses preuves dans la pratique. Actuellement il comporte encore diverses incohérences. Il faut s’attendre à des adaptations au fur et à mesure de son application aux projets concrets.

 

Dès à présent il faut signaler des problèmes au niveau de la manière d’évaluer la valeur écologique du terrain (A), de l’intégration de l’agriculture (B) et de la transparence (C).

 

 

 

  1. A.     L’évaluation de la valeur écologique

 

 

Pour la détermination du bilan, une grande importance revient donc à la manière dont sont évalués les différents éléments naturels et les éléments constructifs végétalisables, tant ceux de l’état existant que ceux de l’état projeté.

 

 

Cette évaluation dépendant de ceux qui la réalisent, et en premier lieu, des organismes agréés en application de la loi du 21 avril 1993 relative à l’agrément de personnes physiques ou morales privées ou publiques autres que l’État pour l’accomplissement de tâches techniques d’étude et de vérification dans le domaine de l’environnement, elle peut varier fortement selon les cas et les interprétations, soit en faveur du constructeur, soit en sa défaveur.

 

 

Comme exposé ci-devant la manière d’évaluation est déterminé dans une « liste des éléments à évaluer » figurant comme annexe à l’un des règlements grand-ducaux du 1er août 2018.

 

 

A1. La distinction entre l’état initial et l’état final

 

Le montant en éco-points pour une certaine formation végétale est différent selon qu’il est prévu à l’état initial (valeur écologique à détruire) ou à l’état final (valeur écologique à créer). Ainsi un arbre isolé existant à l’état initial vaut 18 €/cm de circonférence, lorsqu’il doit être enlevé, alors que lors de la création d’un arbre isolé à l’état final, il vaut seulement 15 €/cm de circonférence. Il en est de même des haies, qui sont évaluées avec 20 €/m2, lorsqu’il s’agit d’une haie existante destinée à disparaître, alors qu’elle se voit attribuer seulement 11 €/m2 en cas de création d’une nouvelle haie.

 

Cette différence s’explique par le fait qu’en principe un arbre ou une haie âgée, existant depuis longtemps, ont une autre valeur pour l’environnement qu’un jeune arbre ou une haie planté récemment (qui ont les premières années après la plantation des problèmes de reprise et de croissance).

 

Mais cette distinction n’est pas faite pour favoriser une approche écologique dans le domaine de la construction. L’approche conservatrice est préférée à la conception pro-active, créatrice de nouvelles valeurs écologiques. Elle ne tient pas compte du caractère évolutif des éléments de la nature. Cette manière d’évaluation porte préjudice aux objectifs du nouveau système.

 

 

A2. La distinction suivant la situation du terrain

 

En deuxième lieu il y a lieu de critiquer le fait que les valeurs attribuées à des formations végétales à créer à l’état final sont plus importantes, si le projet se situe dans la zone verte que s’il se trouve dans la zone constructible. Cette distinction est basée sur l’idée que dans la zone verte, la formation végétale créée arrive plus facilement à établir des connections avec d’autres éléments naturels. Mais il faut se rendre compte que cette distinction pénalise la création d’éléments naturels en milieu urbain, alors que le besoin y serait pourtant plus fort qu’en zone verte. Ainsi les plantes grimpantes, tels que le lierre ne se voient reconnaître des éco-points que lorsqu’elles sont détruites (à l’état initial) ou lorsqu’elles sont créées dans la zone verte. Pourtant la création de parois végétales, par exemple, composées essentiellement de plantes grimpantes, mériterait d’être favorisée dans le milieu urbain en tant que technique écologique pour séparer les propriétés. Il est également incompréhensible pourquoi la création des « formations indigènes de lianes et de plantes grimpantes » n’est pas valorisée avec des éco-points en milieu urbain, alors que les façades végétalisées, pourtant constituées essentiellement de plantes grimpantes, bénéficient de 6 éco-points en milieu urbain.

 

 

A3. La sous-évaluation des éléments de construction végétalisables

 

 

Une critique générale concerne le fait que certains éléments particulièrement fréquents dans le domaine de la construction paraissent systématiquement sous-évalués ce qui, à nouveau, n’est pas fait pour favoriser l’introduction d’éléments naturels dans le milieu urbain. 

 

 

Ainsi les surfaces de circulation, réalisées en concassé (parkings, chemins piétonniers, chemins pour automobiles moins fréquentés, bandes du tram, pistes pour pompiers, etc.) sont évaluées avec 8 éco-points /m2 (« pelouses fleuries, gazons sur du gravier avec des espèces qui confèrent une valeur écologique »). Celles réalisées en « pavage sans scellage des joints » ne bénéficient que de 4 éco-points/m2. Pourtant ces structures sont colonisées spontanément par des formations végétales du plus haut intérêt écologique, telles que les « pelouses sèches » (56 éco-points/ha en zone verte), la végétation pionnière du Sedo-Sclaranthion sur les roches siliceuses (59 éco-points/ha en zone verte), les prairies maigres de fauche (33  éco-points en zone verte). Il est vrai qu’il s’agit de formations relativement rares dans la nature, mais il est intéressant de constater qu’elles se développent facilement sur certaines structures bâties.

 

 

Mais même s’il devait s’avérer que, dans certains cas, des végétations aussi spécialisées ne s’installent pas, il devrait y avoir au moins une « végétation rudérale persévérante » (13 éco-points/m2) ou des herbages extensifs (12 éco-points/m2).

 

 

Un autre exemple est constitué par le bassin de rétention naturel et écologique. Celui-ci se voit attribuer une valeur de 9 éco-points/m2 lors de la création, alors qu’il est colonisé spontanément par la « roselière », qui elle a une valeur 35 éco-points/m2. En plus la création d’une roselière n’est prévue que pour la zone verte, alors qu’elle existe fréquemment en zone urbaine. Dans un bassin de rétention naturel et écologique, à berges à pente douce, se forment en période de sécheresse des zones à exondation périodique (ou zones amphibiennes) qui sont colonisées par la « végétation de l’Isoëto-Nanojuncetea » (végétation des vases périodiquement exondées), qui est comptabilisée avec 60 éco-point à l’état existant et avec 30 éco-points à l’état final. Un tel bassin, changeant d’aspect en fonction du temps, peut avoir un attrait pour les résidents des immeubles.

 

 

Les murs à pierres colmatées, également élément fréquent dans le domaine de la construction, ne bénéficient, d’après la liste du règlement grand-ducal, d’aucun éco-point, alors que les murs en maçonnerie sèche se voient attribuer 36 éco-points/m2. Pourtant il est établi qu’un mur à pierres colmatées peut parfaitement se couvrir de végétation dans les joints (qui se fissurent avec le temps), à condition qu’il soit renoncé à leur traitement périodique avec le nettoyeur sous pression (« Kärcher »). Par ailleurs, au pied de tout mur, même d’un mur en béton, se forme avec le temps une bande herbacée, si l’entretien est suffisamment extensif. Or la liste prévoit ce genre de formation naturelle, à savoir les « lisières et franges herbagères », auxquelles est attribuée une valeur écologique de 10 éco-point. Cette bande herbacée au pied des murs pourrait également s’interpréter comme une « végétation rudérale persévérante », qui bénéficie de 9 éco-points/m2. Souvent des murs sont couverts de lierre ou d’autres « formations indigènes de lianes et de plantes grimpantes ». Ainsi, même un mur classique, devrait mériter un certain nombre d’éco-points en fonction des formations végétales qui le colonisent.

 

 

L’attribution de certains éco-points à l’état initial et à l’état final confère dès lors une marge d’appréciation importante, qui peut avoir une incidence sensible sur les coûts du projet immobilier.

 

 

  1. B.      Les mesures compensatoires exécutées en collaboration avec l’agriculture

 

La loi du 18 juillet 2018 prévoit que les mesures compensatoires à l’extérieur du site du projet de construction doivent obligatoirement être réalisées dans les pools compensatoires. L’exécution de mesures compensatoires par le demandeur d’autorisation ne serait plus possible qu’à titre exceptionnel, avec autorisation spécifique du ministre de l’Environnement, et dans ce cas, uniquement sur les terrains dont il est le propriétaire.

 

 

Cette exigence paraît contreproductive pour la protection de la nature. Il convient en effet de rappeler qu’avant l’entrée en vigueur de la loi de 2018, les mesures compensatoires pour un projet de construction d’envergure (construction d’une autoroute, etc.) ont souvent consisté dans l’extensification agricole sur des terrains appartenant à des exploitants agricoles. Le fait que le propriétaire n’était pas obligé de céder la propriété de ses terres favorisait l’acceptation du projet par le milieu agricole. Le maître de l’ouvrage prenait en charge l’ensemble des coûts relatifs à la mise en place du projet (études, installation des clôtures et abris pour bétail, etc.). Etant donné que l’exploitation agricole extensive est intéressante au point de vue économique (diminution des dépenses et du travail, genèse de produits alimentaires haut de gamme), de nombreux exploitants agricoles étaient disposés à collaborer à ce genre de projets. Au point de vue de la protection de la nature, ces projets, généraient une valorisation écologique et paysagère sur des surfaces étendues d’un seul tenant.

 

L’un des intérêts politiques consistait dans le fait que l’agriculture, qui connaît de nombreux problèmes au niveau économique, pouvait participer aux bénéfices économiques générés par le secteur de la construction.

 

 

Il faut donc regretter que la possibilité de faire établir par le maître de l’ouvrage des projets écologiques sur des terrains appartenant à des exploitants agricoles ait été définie de manière si restrictive dans la loi.

 

 

  1. C.                 Le déficit de transparence

 

Alors que l’un des buts fondamentaux du nouveau système était d’introduire plus d’objectivité et de rationalité dans les décisions du ministère de l’environnement, il commence à s’avérer qu’il est au contraire caractérisé par un certain manque de transparence.

 

 

La taxe de remboursement induit des rentrées considérables à l’Etat, alors que celles-ci ne sont pas budgétisées de manière détaillée. Le montant exact de ces rentrées reste inconnu au citoyen.

 

 

Par ailleurs il n’est pas informé de l’affectation de ces montants. La localisation et la délimitation des pools compensatoires n’ont pas été rendues publiques. Jusqu’ici l’Etat a omis de mettre en évidence les projets écologiques d’envergure qui seraient réalisés avec ces crédits pourtant prélevés auprès de citoyens. Ce sont en effet ces derniers qui supportent, in fine, les taxes environnementales qu’ils remboursent au promoteur au moment de l’acquisition de leur logement. L’inflation des prix de l’immobilier trouve d’ailleurs en partie sa source dans les frais supplémentaires générés par les éco-points.

 

 

Il est aussi étonnant que l’Etat introduise un nouveau système de compensation à appliquer aux particuliers, alors que lui-même n’exécute pas les mesures compensatoires qui lui sont imposées par la loi. Ainsi n’y a-t-il toujours pas seulement un début d’exécution du projet de rénaturation de l’Alzette entre Lorentzweiler et Lintgen, qui était prévue comme mesure compensatoire pour la Route du Nord.

 

 

Enfin la visibilité des mesures compensatoires a diminué beaucoup, étant donné qu’elles sont destinées à être exécutées dans les pools compensatoires, qui restent inconnus. Dans l’approche traditionnelle, les mesures compensatoires consistaient dans des mesures concrètes, en lien direct avec le projet de construction. Dans le nouveau système le citoyen doit se contenter de l’information générale que la dégradation environnementale, qu’il peut lui-même constater de manière concrète sur le terrain, est compensée par un paiement à l’Etat.  

 

 

 

Conclusion 

 

Il résulte de ce qui précède que les réflexions quant aux éco-points devraient être intégrées ab initio dans la planification d’un projet de construction. A cet effet il faut une certaine créativité dans l’interprétation des textes, ce qui est l’apanage des juristes spécialisés. Notre étude fournit ce type de prestations.

 

Par ailleurs, les exemples et déficits exposés ci-dessus mettent en évidence que la version actuelle de la réglementation est encore, sinon à certains égards contreproductive aux objectifs de la protection de la nature, du moins pas suffisamment incitative pour encourager les maîtres de l’ouvrage à adopter une approche écologique en matière de construction.

 

 

 

Me Jean-Claude KIRPACH – Avocat

Me Sébastien COUVREUR – Avocat à la Cour

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