Droit immobilier

Le document unique de marché européen (DUME)

Me Elie DOHOGNE

 

 

Le Document unique de marché européen (DUME)

 


  1. I.                   Le DUME : Qu’est-ce que c’est ?

 

DUME est l’acronyme de « Document Unique de Marché Européen »[1].

 

Il s’agit « d’une déclaration sur l’honneur qui est acceptée par le pouvoir adjudicateur à titre de preuve a priori en lieu et place des documents ou certificats délivrés par des autorités publiques ou des tiers pour confirmer que le candidat :

 

  1. 1.      Ne se trouve pas dans l’une des situations qui peut entrainer l’exclusion des candidats, et,
  2. Répond aux critères de sélection arrêtés par le pouvoir adjudicateur »[2].

 

C’est donc, en réalité, une déclaration officielle par laquelle l’opérateur économique affirme lui-même qu’aucun motif d’exclusion ne s’applique à lui, et que les critères de sélection sont rencontrés.

 


  1. II.                Quel est son but ?

 

Le DUME est un nouvel instrument qui a été instauré par la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil.

 

Dans son considérant 84, ladite directive expose :

 

«  De nombreux opérateurs économiques, et en particulier les PME, estiment que les lourdeurs administratives découlant de l’obligation de produire un nombre important de certificats ou d’autres documents en rapport avec les critères d’exclusion et de sélection constituent l’un des principaux obstacles à leur participation aux marchés publics. Limiter ces exigences, par exemple en utilisant un document unique de marché européen (DUME) consistant en une déclaration sur l’honneur actualisée, pourrait conduire à une simplification considérable dont bénéficieraient tant les pouvoirs adjudicateurs que les opérateurs économiques ».

 

Le principal but avoué de ce DUME est d’aller vers moins de lourdeur administrative, afin de permettre une participation plus aisée aux marchés, principalement pour les PME qui souffrent particulièrement de ces lourdeurs.

 

  1. III.             A quelle phase intervient-il ? Est-il vérifié ?

 

Le DUME intervient à un stade préalable à l’attribution du marché, c’est-à-dire au stade de la participation.

 

Nous l’avons vu, ce document est une auto-déclaration du soumissionnaire à titre de preuve a priori en lieu et place des documents et certificats.

 

Toutefois, le pouvoir adjudicateur est autorisé, à tout moment, à pouvoir demander la communication des documents qu’il estime nécessaires pour la poursuite de la procédure.

 

Il appartient alors à l’opérateur économique de fournir[3] – lorsque le pouvoir adjudicateur le réclame – tous les documents justificatifs. A défaut d’apporter les documents sollicités, celui-ci peut-être exclu du marché.

 

Dans tous les cas, avant l’attribution dudit marché, le pouvoir adjudicateur exige, en principe, du soumissionnaire auquel il a décidé d’attribuer le marché qu’il présente tous les documents justificatifs mis à jour[4].

 

Il importe en effet que les décisions des pouvoirs adjudicateurs soient fondées sur les informations les plus récentes, et soient conformes à la réalité.

 

A défaut pour le soumissionnaire de fournir lesdits documents, le pouvoir adjudicateur ne devrait pas passer de marché avec lui[5].

 

Le DUME n’est donc qu’une preuve provisoire.

 

Il est important de savoir qu’un opérateur économique peut faire l’objet de poursuite en vertu de la législation nationale s’il se rend coupable de fausses déclarations en remplissant le DUME[6].

 

Etant donné que le soumissionnaire auquel le  pouvoir adjudicateur a décidé d’attribuer le marché devra déposer tous les documents vantés, il est parfaitement inutile d’essayer de tricher[7].

 


  1. IV.              Vers plus de simplification administrative

 

Les directives récentes en matière de marchés publics souhaitent aller vers plus de simplification administrative.

 

Ainsi, selon celles-ci, les opérateurs économiques ne sont pas tenus de présenter les documents que le pouvoir adjudicateur pourrait obtenir directement en consultant des bases de données gratuites, tel un dossier virtuel d’entreprise, lequel reprendrait toute une série de renseignements nécessaires à l’attribution du marché.

 

A ce sujet, le Portail des marchés publics met à disposition des entreprises un « coffre-fort électronique » sur lequel elles peuvent déposer les documents dont elles ont besoin lors des participations aux procédures de marchés publics[8].

 

Egalement, les opérateurs économiques ne devraient pas être tenus de devoir présenter des documents justificatifs lorsque le pouvoir adjudicateur a déjà ces documents en sa possession, par exemple à la suite d’une précédente soumission (Principe du « dites-le nous une fois »).

 


  1. V.                 Quelle forme prend le DUME ?

 

Il prend exclusivement la forme d’un document électronique[9]. Celui-ci est établi par le Règlement d’exécution (UE) 2016/7 de la Commission établissant le formulaire type pour le document unique de marché européen.

 

Il est accessible sur internet à l’annexe 2  du règlement d’exécution (UE) 2016/7 de la commission[10].

 

Il est divisé en 6 parties.

 

La partie une reprend les informations concernant la procédure. La deuxième partie s’attarde sur les informations concernant l’opérateur économique. La troisième, concerne les critères d’exclusion et la 4ième partie, elle, les critères de sélection. Enfin, les deux dernières parties concernent le cas de réduction du nombre de candidats qualifiés, et les déclarations finales[11].  

 


  1. VI.              Le DUME est-il obligatoire ?

 

La question de savoir si le DUME est obligatoire est délicate. L’article 59 de la directive précitée énonce que : « Lors de la présentation de demandes de participation ou d’offre, les pouvoirs adjudicateurs acceptent le document unique de marché européen […] ».

 

Une lecture a contrario de cette disposition laisse à penser que le DUME n’est pas obligatoire pour les soumissionnaires si d’aventure ceux-ci préféraient se passer du document unique en déposant l’ensemble de leurs documents et certificats. Ceci est vrai du moins si le pouvoir adjudicateur n’a pas rendu ledit DUME obligatoire.

 

Le DUME est supposé faciliter la participation aux opérateurs économiques. Refuser une soumission qui aurait été faite en se passant de celui-ci nous apparaît être contraire à l’esprit des dispositions sur les marchés publics. Toutefois, afin d’éviter toute difficultés inutile, il est conseillé aux candidats de joindre un DUME à leurs offres.

 


  1. VII.           Le DUME doit-il être signé ?

 

Les dispositions – tant de la directive que de la loi luxembourgeoise  - restent muettes quant à la signature du DUME.

 

Le Règlement d’exécution (UE) 2016/7, lui, indique « En ce qui concerne la (les) signature(s) du DUME, veuillez noter qu’il peut ne pas être nécessaire que le DUME soit signé  lorsqu’il est transmis parmi un ensemble de documents dont l’authenticité et l’intégrité sont garanties par la (les) signatures requise(s) pour le moyen de transmission utilisé »[12].

 

Ceci n’apparaît pas garantir la sécurité juridique quant à savoir si le DUME doit être signé ou non.

 

Toutefois, selon nous, s’agissant d’une déclaration sur l’honneur du candidat lui-même, il eut été logique d’en exiger la signature.

 

De ce fait, il apparaitrait prudent que les pouvoirs adjudicateurs exigent une telle signature.

 

Afin d’éviter toute contestation inutile, il est conseillé aux opérateurs économiques, dans la mesure du possible, de signer le DUME.

 


  1. VIII.        Combien de DUME ?

 

Un opérateur économique qui n’a pas recours à d’autres entités doit remplir un seul DUME.

 

Toutefois, lorsque le marché est divisé en différents lots et que les critères de sélection varient selon les lots, un DUME pour chaque lot doit être rempli[13].

 

En outre,  lorsqu’un opérateur recourt à d’autres entités, un DUME distinct pour chacun des sous-traitants devra être fourni[14].

 

Il en est de même lorsque plusieurs opérateurs économiques se regroupent – par exemple sous une association momentanée – un DUME distinct indiquant les informations requises au titre des parties II à V du DUME doit être remis pour chacun des opérateurs économiques participants[15].

 

Il ne nous apparait pas inutile, même si cela n’est en aucun cas une obligation, que soit, dans le cas susvisé, complété un DUME récapitulatif indiquant clairement qu’il s’agit d’un DUME reprenant les informations de l’ensemble des opérateurs économiques.

 


  1. IX.              Le DUME dans le droit luxembourgeois ?

 

Le législateur luxembourgeois – dans sa loi du 8 avril 2018 -  a décidé d’introduire le DUME obligatoire[16] uniquement pour les marchés du Livre II, c’est-à-dire, les marchés d’une certaine envergure.

 

Il est instauré par l’article 72 de ladite loi. Celui-ci transpose assez fidèlement le droit européen exposé ci-avant.

 

Le législateur a décidé de rendre le DUME facultatif pour les marchés dits nationaux[17].

 

 

  1. X.                 Conclusion

 

Le DUME est un document auquel  tout soumissionnaire d’un marché européen va devoir s’habituer. Celui-ci constitue un formidable outil qui facilite la participation, tout en permettant – on l’a vu – d’assurer que les candidats retenus remplissent bien toutes les conditions de marché.

 

Nous avons constaté également que certains points peuvent encore poser des problèmes, et on ne peut qu’inviter les acteurs – tant pouvoirs adjudicateurs que les opérateurs économiques – à prendre toutes les précautions requises en vue d’éviter toute(s) contestation(s) inutile(s). En cas d’inconnues quant à une solution à donner vis-à-vis d’un problème concret relatif au DUME et non réglé par les textes juridiquement contraignants, les pouvoirs adjudicateurs devront se laisser guider par les principes fondateurs du droit des marchés publics (transparence, égalité de traitement, concurrence, saine gestion des deniers publics) et le cas échéant, d’autres principes généraux du droit administratif, en n’omettant pas la ratio legis des textes.

 

 Me Elie DOHOGNE

Avocat inscrit au Barreau de Namur.



[1] ESPD en anglais, pour « European Single Procurement Document », et EEE en allemand pour « Eintliche Europäische Eigenerklärung »

[2] P. MARCHANDISE, Cahier du juriste, 2016/3, p.50

[3] Aucune disposition, européenne ou luxembourgeoise, n’a pris le soin d’établir de délai pour ce faire. Par prudence, nous conseillons aux pouvoirs adjudicateurs d’en prévoir dans les documents de marché.

[4] La loi du 8 avril 2018 parle de « déclaration sur l’honneur actualisée » sans définir plus avant ce qu’elle entend par ceci. Nous sommes d’avis que cela signifie que les informations communiquées doivent correspondre exactement à la réalité au jour du dépôt et que le soumissionnaire se doit de communiquer tout changement susceptible d’avoir une incidence sur ladite soumission.

[5] Considérant 84, al. 2, de ladite directive précitée.

[6] Règlement UE 2016/7, Annexe 1.

[7] L’article 72 de la loi de 2018 indique que « Avant l’attribution du marché, le pouvoir adjudicateur exige du soumissionnaire auquel il a décidé d’attribuer le marché, sauf pour les marchés fondés sur des accords-cadres lorsque ces marchés sont conclus conformément à l’article 22, paragraphe 3, ou à l’article 22, paragraphe 4 point a), qu’il présente des documents justificatifs mis à jour conformément à l’article 31, et le cas échéant, à l’article 32 ».

[8] La Commission européenne a créée une base de données, appelée e-Certis, laquelle établit les documents, attestations ou certificats qui peuvent être demandés dans l’ensemble des pays de l’Union européenne.

[9] Depuis le 18 avril 2018.

[11] Un guide d’application a été rédigé et est disponible sur : https://marches.public.lu/dam-assets/fr/procedures/dume/2018-DUME-v01-04.pdf

[12] Règlement d’exécution (UE) 2016/7 de la Commission du 5 janvier, Instructions de l’annexe 1.

[13] Ibid.

[14] Ibid.

[15] Ibid.

[16] Se pose de nouveau la même question sur la portée de cette obligation. Le lecteur est renvoyé au point VI du présent exposé sur ce point.

[17] Article 20 RGD 8 avril 2018.

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