Droit immobilier

Projet de loi visant à modifier la législation portant organisation des juridictions administratives ainsi que le règlement de procédure


Projet de loi visant à modifier la législation portant organisation des juridictions administratives ainsi que le règlement de procédure

 


Partant d'un constat suivant lequel, "à l'heure actuelle, les onze juges du tribunal administratif, travaillant à temps plein, ont de la peine à évacuer dans les mêmes délais (que ceux observés par les juges du défunt Comité du contentieux du Conseil d'Etat) les affaires dont ils sont saisis" ceci étant dû, d'une part, "à l'augmentation considérable du nombre d'affaires portées devant cette juridiction" et d'autre part, quoique dans une moindre mesure, "à la variété et à la complexité grandissantes des affaires dont sont saisies les juridictions administratives, notamment en matière fiscale ainsi qu'en droit de l'environnement et de l'urbanisme", le projet de loi sous examen vise à simplifier un certain nombre de mécanismes, et d’autre part à « corriger quelques imperfections s’étant révélées à l’application pratique des deux lois fondamentales régissant l’organisation et le fonctionnement (des juridictions de l’ordre administratif).

 

Le projet de loi prévoit ainsi, en substance :

 

1. La faculté d’ordonner à l’administration compétente, la rectification d’irrégularités « mineures »

 

Parmi les innovations majeures des modifications projetées, il convient d’épingler en premier lieu l’article 1er du projet de loi. Celui-ci prévoit d’insérer de nouvelles dispositions à la loi modifiée du 7 novembre 1996. L’une d’elle confèrerait au juge administratif la faculté d’ordonner à l’autorité concernée, en lieu et place de l’annulation de l’acte administratif, de corriger ou de faire corriger le vice constaté, moyennant prise d’une nouvelle décision administrative endéans le délai fixé par le juge. Le juge administratif resterait en outre saisi du litige. Il pourrait ainsi connaître, dans la même instance, de la nouvelle décision administrative.

 

Le projet de loi expose que cette disposition vise à éviter des annulations inutiles ou excessives, notamment dans les cas de vices de pure forme qui affectent certaines décisions administratives (absence d’indication des motifs, mais aussi incompétence de l’auteur de l’acte).

 

 

2. La faculté de « moduler » les effets de l’annulation d’un acte réglementaire

 

Une autre innovation majeure est la possibilité, pour le tribunal, de « moduler » les effets de l’annulation d’une décision administrative : la juridiction administrative pourrait indiquer les effets de la décision annulée qui doivent être considérés comme définitifs ou bien maintenus provisoirement pour le délai que le juge détermine. A la lecture des commentaires sous l’article 1 (4) du projet de loi, il appert que cette disposition est motivée par un souci de ne pas compromettre la continuité du service public et vise spécifiquement l’hypothèse d’un recours introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

 

Cet article bien spécifique, qui permettrait au juge administratif de « maintenir artificiellement en vie » un acte administratif réglementaire annulé, se fonde sur un arrêt de la Cour administrative du 2 avril 2009 (n° 25559C ru rôle) ayant imparti aux pouvoirs publics « un délai raisonnable de 2 ans » pour corriger l’illégalité reprochée, et se fonde par ailleurs sur analyse du droit comparé, suivant les solutions retenues en Belgique.

 

 

3. La faculté d’introduire un recours, en cas de silence de l’administration, mais avant l’expiration du délai de trois mois

 

Le projet de loi, prévoit en son article 1er (3) l’introduction d’un alinéa 2 à l’article 4, paragraphe 1er de la loi du 7 novembre 1996 :

 

« Néanmoins, sauf les exceptions prévues par la loi, lorsque l’absence de prise de décision risque de causer à l’administré un préjudice définitif et rend superflue la décision sollicitée dès avant l’écoulement du délai de trois mois, celui-ci peut introduire son recours dès avant l’expiration dudit délai, à la condition qu’il l’introduise au moins 8 jours avant l’évènement qui risque de rendre le préjudice définitif ».

 

Les commentaires sous l’article précité citent l’exemple de l’organisation d’un concours auquel il faut être admis par décision administrative. A supposer que le concours est organisé dans un délai de moins de trois mois à partir de la date limite pour le dépôt des candidatures, il va de soit qu’un recours ne saurait être efficace si l’administré doit attendre l’écoulement d’un délai de trois mois (date de la décision implicite de refus) pour introduire son recours.

 

La disposition précitée nous parait particulièrement pertinente en droit immobilier, alors qu’un promoteur peut se voir confronté à un risque de péremption de son autorisation de construire si ce dernier n’a pas entamé les travaux de manière significative endéans un an, à compter de la délivrance de ladite autorisation. Or, généralement, la demande de prorogation du délai de péremption de l’autorisation n’intervient qu’au moment où le risque de péremption se fait sentir. Dans cette hypothèse, le promoteur ne peut se permettre d’attendre l’écoulement d’un délai de trois mois pour introduire un recours contre la décision de refus implicite du bourgmestre. Une telle disposition permettrait au promoteur d’introduire un recours (mesures de sauvegarde), en l’absence de décision du bourgmestre, et ceci en vue de voir sauvegardé son droit de construire.

 

A noter que « l’exigence que le recours soit introduit au moins 8 jours avant l’évènement qui risque de causer à l’administré un préjudice définitif tend à assurer que le litige puisse être convenablement instruit par le président du tribunal appelé à ordonner une mesure provisoire ».

 

4. L’obligation de rendre les jugements et arrêts dans un délai de deux mois à compter de la date de prise en délibéré de l’affaire

 

Les articles 1er (8) et (12) prévoit que les jugements et arrêts sont rendus, en principe, dans un délai de 2 mois à compter de la date de prise en délibéré, sauf dans les matières dans lesquelles la loi prévoit un délai plus court.

 

Si ce délai ne peut être respecté, les parties doivent être informées du motif du retard.

 

5. La communication des mémoires par voie électronique

 

Le projet de loi vise une adaptation des règles de procédure à l’évolution de la technologie et des échanges.

 

Il est sur ce point renvoyé au texte de la législation projetée.

 

Le projet de loi n° 6563 est disponible sur le site de la chambre des députés. Il fera l'objet d'un suivi attentif de notre part.

 

 

Par Maître Sébastien COUVREUR

Avocat


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