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[Covid-19] Suspension de certains délais et de certaines obligations en matière d’environnement

 

[Covid-19] Suspension de certains délais et de certaines obligations en matière d’environnement

 

Un règlement grand-ducal (ci-après abrégé en RGD) du 1ier avril 2020 est venu fixer des suspensions de certains délais et de certaines obligations en matière d’environnement[1].

 

Dès lors, ce RGD vient porter diverses dérogations à certaines lois particulières qui constituent le droit de l’environnement.

 

Ainsi, un article 1ier dudit RGD suspend divers délais en matière d’établissements classés, un 2ième article suspend, lui, des délais contenus dans la loi relative à l’eau, un 3ième article vient déroger à la loi relative à la gestion des déchets. Un 4ième article traite de dérogations à la loi relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement et, enfin, un 5ième article suspend certains délais prévus dans la loi sur la protection de la nature et des ressources naturelles.

 

La Ministre de l’Environnement a par ailleurs fait une circulaire, laquelle s’avère assez sommaire et superficielle[2].

 

1. Dérogations en matière d’établissements classés


Ainsi, pendant la durée de l’état de crise, et par dérogation à la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, certains délais relatifs à la procédure des autorisations sont suspendus.

 

Est suspendu le délai de 120 jours accordé au demandeur pour envoyer les renseignements supplémentaires éventuellement sollicités par l’administration dans le cadre de la procédure d’instruction des demandes d’autorisation relatives aux établissements classés.

 

Sont également suspendus les délais d’affichage et de publication de la demande d’autorisation, prévus à l’article 10 de la loi précitée. Sont aussi suspendus les délais prévus à l’article 12, relatif, notamment, à la tenue de l’enquête publique.

 

Ces mesures reviennent à suspendre la procédure d’élaboration desdites autorisations.

 

En outre, les délais prévus à l’article 20 de ladite loi – délais après lesquels une nouvelle autorisation est de nouveau requise - sont également suspendus.

 

Enfin, sont également suspendus les délais de mise en conformité à certaines infractions (listées à l’article 27, 1ier alinéa de ladite loi), à l’exception de ceux en relation avec les activités nécessaires de dépollution et d’entretien de certaines activités, dont notamment les services funéraires.  

 

Cette suspension du délai en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru.

 

Ajoutons que pour toute réalisation, transformation, changement du mode d’affectation, ou démolition d’une construction ainsi que pour les travaux de remblais et de déblais, qui portent sur des établissements à caractère hospitalier, des infrastructures critiques ou des activités de dépannage, de réparation, de dépollution et d’entretien nécessaires pour des raisons de sécurité, l’obligation d’autorisation préalable dans le cadre de ladite loi modifiée du 19 juin 1999 relative aux établissements classés n’est pas applicable pendant la durée de l’état de crise.

 

La disposition précitée pourrait faire l’objet d’interprétations divergentes et à notre estime, il aurait été plus clair de prévoir que le texte de loi précité (ou une partie de celle-ci) ne serait pas applicable, pendant toute la durée de la crise sanitaire, pour les établissements ou infrastructures précitées. Il s’agit – a priori - d’une mesure tout à fait exceptionnelle permettant de répondre à des besoins spécifiques, sans devoir passer par les autorisations préalables. En pareil cas, une demande de régularisation a posteriori devra, à notre sens, être sollicitée et délivrée – pour autant que l’exploitation soit compatible avec la loi – pour rendre les celles-ci régulières d’un point de vue du droit administratif.

 

2. Dérogations en matière d’eau


Ce RGD a encore suspendu les délais visés à l’article 23 paragraphes 3 a) et b) de la loi modifiée du 19 décembre 2008, relative à l’eau.  Il s’agit des délais de péremption des autorisations.

 

Suivant la loi, « l’autorisation devient caduque lorsque les installations, ouvrage, travaux ou activités autorisés a) n’ont pas été commencés, achevés ou mis en service dans un délai de deux ans ; b) ont chômé pendant deux années consécutives ; (…) ».

 

Sont également suspendus les délais visés à l’article 24, paragraphes 1 et 2. Il s’agit de délais à respecter lors de la procédure de demande d’autorisation. Toutefois, ledit paragraphe 1ier n’instaure pas, explicitement, un délai pour l’administration de la gestion de l’eau afin de transmettre un résumé de ladite demande d’autorisation aux fins d’information et affichage à l’administration communale territorialement compétente.

 

Le paragraphe 2, lui, instaure un délai de 3 mois - qui suit le courrier certifiant que le dossier est complet - pour notifier, au demandeur, la décision portant autorisation ou refus d’autorisation.

 

Il porte aussi un délai de 40 jours de publication, à la maison communale, du certificat délivré par le bourgmestre, attestant qu’une demande a fait l’objet d’une décision ministérielle. C’est ce certificat qui indique au public qu’il peut prendre inspection de la décision et des plans. Ce paragraphe 2 ajoute encore que cet affichage doit avoir lieu au plus tard 10 jours après la réception de la décision d’autorisation ou de refus.

 

Le RGD apporte, en outre, une suspension du délai de 2 ans (prévu à l’article 66, paragraphe 6), endéans lequel les travaux y visés doivent avoir débutés après la réception d’engagement financier, à défaut de quoi ledit engagement d’intervention financière du Fonds pour la gestion de l’eau devient caduc.

 

Ces suspensions arrêtent temporairement le cours, sans effacer le délai déjà couru.

 

Ajoutons que, à nouveau, le RGD prévoit la même exception d’obligation préalable pour toute réalisation, transformation, changement du mode d’affectation, ou démolition d’une construction ainsi que pour les travaux de remblais et de déblais, qui portent sur des établissements à caractère hospitalier, des infrastructures critiques ou des activités de dépannage, de réparation, de dépollution et d’entretien nécessaires pour des raisons de sécurité, avec les mêmes exceptions.

 

3. Dérogations à la loi sur la gestion des déchets

 

Le RGD apporte encore diverses dérogations à la loi modifiée du 21 mars 2012.

 

Ladite loi prévoit (art. 30 paragraphe 5 a. et b.) qu’une nouvelle autorisation est requise dans le cas où un délai -  fixé dans l’autorisation - l’installation ou le site ne sont toujours pas mis en service ou que l’activité afférente n’a pas commencé. Une nouvelle autorisation est également requise si l’installation, ou le site, sont remis en usage alors qu’ils n’ont pas fonctionné régulièrement pendant trois années consécutives.

 

Ces délais sont suspendus durant l’état de crise.

 

Sont également suspendus les délais éventuellement fixés par le Ministre en vue de permettre aux exploitants qui ne respecteraient pas certaines dispositions de la loi (cfr. art. 49, 1. a de ladite loi) à l’exception des délais en relation avec les activités nécessaires de dépollution et d’entretien de certaines activités, tel que les services funéraires.

 

A nouveau, l’obligation d’autorisation préalable prévue dans le cadre de la loi modifiée du 21 mars 2012 n’est pas applicable durant l’état de crise pour toute réalisation, transformation, changement du mode d’affectation, ou démolition d’une construction ainsi que pour les travaux de remblais et de déblais, qui portent sur des établissements à caractère hospitalier, des infrastructures critiques ou des activités de dépannage, de réparation, de dépollution et d’entretien nécessaires pour des raisons de sécurité.

 

4. Dérogations à la loi sur l’évaluation des incidences sur l’environnement


L’autorisation d’un projet susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement est soumise à la participation du public.

 

Dans ce contexte, la loi du 15 mai 2018 relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement prévoit un délai aux administrés pour émettre des observations et suggestions (article 8 de ladite loi) sur ledit projet.

 

Ce délai est suspendu.

 

5. Dérogations à la loi sur la protection de la nature


En ce qui concerne les autorisations du Ministre de l’environnement, prévues par la loi du 18 juillet 2018,  ledit Ministre, en vertu de l’article 59, paragraphe 7 de ladite loi, doit vérifier si le dossier est complet et, dans la négative, peut solliciter, une fois, des informations, ou études, complémentaires avant de prendre sa décision.

 

La disposition de ladite loi prévoit qu’à défaut, pour le ministre, d’avoir sollicité des informations complémentaires, le dossier de demande d’autorisation est réputé complet au bout d’un délai 3 mois. Le RGD du 25 mars 2020, faisant l’objet du présent exposé, est venu suspendre ce délai.

 

 Le délai de péremption des autorisations est également suspendu.

 

A nouveau ces suspensions arrêtent temporairement, pendant la durée de l’état de crise, le cours du délai.

 

Remarquons que le délai de délivrance de l’autorisation – laquelle doit intervenir dans les 3 mois à partir du moment où le dossier est complet (ou réputé complet) n’a, lui, pas été suspendu. Dès lors, en pareil cas, à défaut de délivrance, il y a lieu de considérer qu’il y a là un refus implicite d’autorisation. 

 

Enfin, le RGD dispense, là encore, pendant l’état de crise, de devoir solliciter les autorisations préalables prévues dans le cadre de la loi du 18 juillet 2018 pour toute réalisation, transformation, changement du mode d’affectation, ou démolition d’une construction ainsi que pour les travaux de remblais et de déblais, qui portent sur des établissements à caractère hospitalier, des infrastructures critiques ou des activités de dépannage, de réparation, de dépollution et d’entretien nécessaires pour des raisons de sécurité.

 

Ce règlement grand-ducal est entré en vigueur le 1ier avril 2020. Toutefois, les suspensions qu’il prévoit valent « pendant la durée de l’état de crise », c’est-à-dire à compter du 18 mars 2020 et ce jusqu’à la fin de l’état de crise.

 

 

Me Sébastien COUVREUR, Avocat à la Cour, Partner,

Me Elie DOHOGNE, Avocat Liste IV

 

 

 

 

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