Droit immobilier

La SUP et la refonte du PAG

Me Inès GOEMINNE

 

Les rapports entre la SUP et le PAG

 

La refonte globale du PAG d’une commune implique l’élaboration d’une étude environnementale. Concrètement, les modifications urbanistiques envisagées dans le cadre de la refonte du PAG font l’objet dans une première phase, d’une évaluation des incidences sur l’environnement (UEP). Cette dernière détermine les terrains qui, dans une seconde phase, devront faire l’objet d’une étude environnementale plus approfondie (SUP). Suivant l’article 6.3 de la loi du 22 mai 2008 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, le ministre de l’Environnement « décide ou donne son avis » sur l’UEP et donc, notamment sur les terrains qui, dans une seconde phase, doivent faire l’objet d’une SUP « complète ».

 

Dans le cadre d’un jugement du 13 novembre 2017 inscrit sous le numéro de rôle 38273, le tribunal a statué sur la recevabilité de recours dirigés, dans le contexte de la refonte globale du PAG de la Ville de Luxembourg, contre une « décision » de la ministre de l’Environnement sur l’ampleur et le degré de précision que le rapport sur les incidences environnementales doit contenir (1), ainsi que  contre une « décision » du collège des bourgmestre et échevins, sinon du conseil communal de la Ville de Luxembourg de ne pas procéder à une étude environnementale stratégique (SUP) dans le cadre du reclassement d’un site en zone constructible, sinon de la « décision » du conseil communal de ne pas actualiser une ancienne étude environnementale réalisée en 2013 sur le même site (2).

 

Il y a lieu d’observer tout d’abord que l’article 12 de la loi du 22 mai 2008 ayant trait aux voies de recours énonce que :

« Un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif contre les décisions prises au titre respectivement de l'article 2, paragraphe 7 et de l'article 6, paragraphe 3.

Ce recours doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de quarante jours à compter de la publication visée respectivement à l'article 2, paragraphe 7 et à l'article 7, paragraphe 1.

Le recours est également ouvert aux associations d'importance nationale dotées de la personnalité morale et agréées en application de l'article 29 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés. Les prédites associations sont réputées avoir un intérêt personnel. »

Le tribunal administratif s’est ainsi prononcé sur la recevabilité d’un recours en annulation porté contre les décisions prises en vertu de l’article 6 (3), ainsi que l’article 2 (7) de la loi précitée.

 

 

1. Quant à la recevabilité d’un recours en annulation contre une décision prise en vertu de l’article 6 (3) de la loi du 22 mai 2008

 

L’article 6 (3) de la loi précitée dispose que :

 

« Le ministre décide ou donne son avis, selon les cas, de/sur l'ampleur et le degré de précision des informations que le rapport sur les incidences environnementales doit contenir. Les autres autorités ayant des responsabilités spécifiques en matière d'environnement sont également entendues en leur avis. »

 

En l’espèce, le tribunal administratif a dû trancher la question de savoir dans quel cas la ministre de l’Environnement prenait une décision ou un avis consultatif sur l’ampleur et le degré de précision des informations que le rapport sur les incidences environnementales doit contenir.

 

Ceci n’étant pas sans incidence puisque ce n’est que dans le cas où la ministre de l’Environnement prend une décision qu’un recours en annulation peut être introduit au tribunal administratif en vertu de l’article 12 de la loi précitée.

 

Le tribunal administratif a retenu que :

 

« ledit article 6 (3) doit être interprété en ce sens que le ministre ne décide de l’ampleur et du degré de précision des informations que le rapport sur les incidences environnementales doit contenir que dans l’hypothèse où il est lui-même l’autorité compétente pour élaborer le plan ou programme en question et que dans l’hypothèse inverse, il n’intervient qu’à titre consultatif ».

 

En l’espèce, l’avis consultatif pris par la ministre de l’Environnement en vertu de l’article 6 (3) de la loi du 22 mai 2008 a donc été considéré comme étant dépourvu d’élément décisionnel et ne pouvait donc pas faire l’objet d’un recours contentieux.

 

Toutefois, le tribunal administratif a retenu que quand bien même cet avis, dépourvu d’élément décisionnel, ne pouvait pas faire l’objet d’un recours contentieux en vertu des dispositions de droit commun de la loi modifiée du 07 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif étant donné que cet avis ne fait que préparer l’adoption ultérieure du nouveau PAG, de sorte à pouvoir être qualifiées tout au plus d’actes préparatoires, l’illégalité de cet acte est susceptible d’être invoqué dans le cadre d’un recours introduit à l’encontre de la décision finale, à savoir les décisions d’adoption et d’approbation prises respectivement par le conseil communal et le ministre de l’Intérieur, en vertu des dispositions des articles 14 et 18 de la loi du 19 juillet 2004.

 

En dernier lieu, le tribunal administratif s’est prononcé en ce sens que les secondes décisions querellées, à savoir la décision de l’autorité communale de ne pas procéder à une étude environnementale pour le site concerné et la décision de ne pas actualiser une ancienne étude environnementale, ne sont pas des décisions prises par le ministre de l’Environnement, de sorte qu’il ne s’agit pas de décisions prises au titre de l’article 6 (3) de la loi du 22 mai 2008.

 

 

2. Quant à la recevabilité d’un recours en annulation contre une décision prise en vertu de l’article 2 (7) de la loi du 22 mai 2008

 

L’article 2 (7) précise que :

« Les conclusions prises en vertu du paragraphe 6, y compris les raisons de ne pas réaliser une évaluation environnementale conformément aux articles 4 à 10, font l'objet d'une publicité sur support électronique ainsi que d'une publication par extrait dans au moins quatre quotidiens imprimés et publiés au Luxembourg. »

 

Dans un premier temps, il y a lieu de relever que le tribunal administratif a vérifié si l’avis consultatif de la ministre de l’environnement pris en vertu de l’article 6 (3) pouvait être qualifié de décision prise en vertu de l’article 2 (7) de la loi du 22 mai 2008.

 

Suivant les travaux parlementaires relatifs à l’article de la loi du 22 mai 2008 (projet de loi n° 5731, commentaires des articles, p.11), le tribunal a retenu que :

« les décisions prises au titre de l’article 2 (7) à l’encontre desquelles un recours contentieux est ouvert en vertu dudit article 12 sont les décisions relatives à un examen au cas par cas de plans et programmes qui ne sont pas obligatoirement soumis à une évaluation environnementale, y compris la décision de ne pas procéder à une telle évaluation ».

 

En l’espèce, le tribunal administratif a retenu que l’avis consultatif de la ministre de l’Environnement pris en vertu de l’article 6 (3) de la loi précitée ne constitue pas une telle décision et ne peut donc pas faire l’objet d’un recours contentieux en vertu de l’article 12 de la loi du 22 mai 2008.

 

Dans un second temps, le tribunal administratif s’est prononcé sur la recevabilité du recours effectué contre les secondes décisions querellées, et plus particulièrement sur la question de savoir si le fait de procéder à une évaluation environnementale sur certaines zones d’un projet de plan ou programme et de ne pas y inclure d’autres zones serait une décision susceptible de recours contentieux sur base des articles 2 (7) et 12 de la loi du 22 mars 2008.

 

Selon le tribunal administratif, le choix des autorités communales responsables de l’élaboration du PAG de ne pas inclure les parcelles litigieuses dans le rapport sur les incidences environnementales, en s’appuyant sur un « Umwelterheblichkeitsbericht » réalisé dans le cadre d’un précédent projet abandonné de modification ponctuelle du PAG ne constitue pas une décision prise en vertu de l’article 2 (7) de la loi du 22 mai 2008, en ce qu’il ne s’agit pas d’une décision relative à une examen au cas par cas d’un plan ou programme qui ne serait pas obligatoirement soumis à une évaluation environnementale et que, plus particulièrement, il ne s’agit pas d’une décision de ne pas procéder à une évaluation par rapport à un tel plan ou programme.

 

Ce même constat devant s’appliquer aussi pour le choix des autorités communales de ne pas actualiser la « Umwelterheblichkeitsprüfung » réalisée en 2013.

 

Dès lors, lesdites décisions querellées ne constituent pas des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en vertu de l’article 12 de la loi du 22 mai 2008.

 

Toutefois, le tribunal administratif a retenu que quand bien même la décision de ne pas procéder à une étude environnementale et la décision de ne pas actualiser une ancienne étude environnementale ne peuvent faire l’objet d’un recours contentieux en vertu des dispositions de droit commun de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif étant donné qu’elles ne font que préparer l’adoption ultérieure du nouveau PAG, de sorte à pouvoir être qualifiées tout au plus d’actes préparatoires, l’illégalité de ces décisions est susceptible d’être invoquée dans le cadre d’un recours introduit à l’encontre de la décision finale, à savoir les décisions d’adoption et d’approbation prises respectivement par le conseil communal et le ministre de l’Intérieur, en vertu des dispositions des articles 14 et 18 de la loi du 19 juillet 2004.

 

Me Inès GOEMINNE

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