Droit immobilier

Projet de loi sur l'évaluation des incidences de certains projets sur l'environnement

 

 

En date du 20 juillet 2017 fut déposé à la Chambre des Députés un projet de loi n° 7162 proposant de transposer en droit national la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du 16 avril 2014 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

 

Ce dernier s’appliquerait aux « projets », définis dans le contexte de loi projetée comme correspondant à « l’accomplissement de travaux de construction ou autres installations et ouvrages ainsi qu’aux différentes interventions dans le milieu naturel ou le paysage », qui sont « susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation ».

 

Il est important de relever d’emblée, pour la bonne compréhension du projet de loi sous examen, que celui-ci ne concerne nullement les évaluations des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, traditionnellement appelées Strategische Umweltprüfung au Luxembourg (voir la loi modifiée du 22 mai 2008).

 

 

Les projets soumis à une évaluation des incidences environnementales (EIE).


L’évaluation des incidences environnementales de certains projets de construction, d’installations et d’ouvrage est déjà actuellement régie au Luxembourg par différentes lois et règlements. Nous citerons ainsi, de manière non exhaustive, la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l'eau, la loi du 29 mai 2009 concernant l’évaluation des incidences sur l’environnement humain et naturel de certains projets routiers, ferroviaires et aéroportuaires, ensemble son règlement d’exécution, le règlement grand-ducal du 22 janvier 2010 déterminant les critères sur base desquels les projets d’infrastructures de transports font l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement., et enfin  le règlement grand-ducal modifié du 7 mars 2003 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

 

Le texte du projet de loi sous analyse prévoit en quelque sorte une harmonisation de ces législations éparses et une meilleure coordination entre les différences procédures qu’impliquent les projets soumis à une EIE ainsi qu’à autorisation au  titre  de  la  législation  applicable  en  matière  d’établissements  classés,  de  protection  de  la  nature  et  des ressources naturelles, d’eau et de remembrement rural. Il précise également la procédure applicable aux EIE (notamment au niveau des enquêtes publiques) et détermine de manière plus précise le contenu des EIE.

 

 

La loi en gestation prévoit que certains projets de construction, d’installation, d’ouvrages, seraient soumis d’office à une EIE. Ceux-ci seraient listés par règlement grand-ducal d’exécution de la future loi. D’autres projets n’ayant pas nécessairement d’incidences notables sur l’environnement mais considérés comme étant susceptibles de générer de telles incidences seraient repris par ce même règlement qui prévoit d’instaurer trois régimes différents : une EIE lorsque les seuils ou critères prévus à l’annexe I seront atteints ; un examen au cas par cas pour déterminer si une EIE est requise lorsque les seuils ou critères minima prévus à l’annexe I seront atteints et un examen au cas par cas lorsque les seuils ou critères ne sont pas fixés.

 

Dans les deux derniers cas de figure, c’est-à-dire en cas d’atteinte des seuils et critères minima ou en cas d’absence de seuils ou critères, l’autorité compétente procéderait à une vérification préliminaire (« screening ») basée sur des informations sur les caractéristiques du projet apportées par le maitre d’ouvrage ; ceci permettant de limiter l’exigence d’accomplir une évaluation aux seuls projets susceptibles, in concreto, d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Suite à cette vérification, l’autorité prendrait une décision de détermination indiquant si une EIE est nécessaire ou non.

 

Les projets ayant pour seul objet la défense nationale ou la réponse à des situations d’urgence à caractère civil ne seraient pas soumis à EIE.



La procédure


L’évaluation des incidences se transformerait en procédure à part entière ; lorsqu’elle serait requise, elle comprendrait plusieurs phases.

 

Premièrement, le maitre d’ouvrage, éclairé par les avis des autorités compétentes sur le contenu et l’étendue des informations à fournir, élaborerait un rapport d’évaluation reprenant essentiellement les différentes caractéristiques du projet.

 

Deuxièmement, certaines consultations devraient être réalisées, à savoir les consultations des autorités ayant des responsabilités particulières en fonction de la nature du projet (notamment eau, santé, etc), la consultation du public dont les avis et préoccupations devraient être pris en compte par les autorités ainsi que la consultation transfrontière lorsqu’un projet s’avérerait susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement d’un autre Etat membre.

 

Troisièmement, l’autorité compétente devrait examiner les informations du rapport d’évaluation et effectuer une conclusion motivée sur les incidences notables du projet sur l’environnement qu’elle enverrait aux autorités compétentes pour autoriser le projet.

 

Enfin, cette conclusion serait intégrée dans les décisions à prendre sur les demandes d’autorisations ; ceci permettrait de s’assurer que l’autorisation ne soit octroyée qu’après évaluation des incidences que ces projets seraient susceptibles d’avoir sur l’environnement et d’ainsi créer une articulation entre l’évaluation d’une part et les autorisations d’autre part.

 

Un comité interministériel serait mis en place afin de coordonner et superviser les procédures d’EIE ; ce comité pourrait également émettre des recommandations à l’autorité compétente.

 

Il y a des hypothèses dans lesquelles l’obligation de réaliser des évaluations découlerait simultanément de la présente loi en gestation et de la loi modifiée du 19 janvier 2004 ou de la loi relative à l’eau ; dans ces hypothèses, les deux procédures devraient être intégrées, coordonnées afin d’éviter des incertitudes et les retards qu’une absence de coordination ou une mauvaise coordination pourrait engendrer.

 

L’EIE devrait avoir pour objet d’évaluer les incidences d’un projet de construction, d’installation ou d’ouvrage par rapport aux facteurs suivants :

1. la population et la santé humaine;

2. la biodiversité, en accordant une attention particulière aux espèces et aux habitats protégés au titre des  annexes  1,  2,  3,  6,  et  7  de  la  loi  modifiée  du  19  janvier  2004  concernant  la  protection  de  la  nature et des ressources naturelles;

3. les terres, le sol, l’eau, l’air et le climat;

4. les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage;

5. l’interaction entre les facteurs visés aux points 1 à 4.



Les projets d’infrastructures de transport


Concernant les projets d’infrastructures routières, ferroviaires, aéroportuaires et portuaires, le règlement grand-ducal précité à propos des projets soumis d’office à une EIE, devrait également lister les projets d’infrastructures de transport soumis à une telle évaluation mais le gouvernement en Conseil aurait la possibilité de prendre la décision de soumettre un projet non visé par le règlement grand-ducal à une EIE.

 

Pour les projets qui auraient déjà fait l’objet d’une évaluation environnementale dans le cadre de l’examen d’un plan ou programme (SUP), les données de l’évaluation pourraient être utilisées si elles répondent aux exigences du présent projet de loi.

 

Le projet (en ce compris le résultat des consultations et la conclusion motivée de l’autorité) serait alors soumis au gouvernement au conseil qui prendrait une décision quant à la variante à réaliser et l’ampleur des mesures compensatoires.

 

Sur base de cette décision, le maître de l’ouvrage élaborerait un avant-projet détaillé de la future infrastructure de transport qui serait transmis au ministre ayant l’environnement dans ses attributions afin qu’il détermine les conditions d’aménagement et d’exploitation. Pour les éléments se limitant à l’avant-projet précité, les projets d’infrastructure de transport sont dispensés des autorisations (établissements classés, eau, étatisation de la police locale, protection de la nature et des ressources naturelles, aménagement communal et développement urbain).

 

Voir sur la question des dispenses d’autorisation pour les projets d’infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires : Sébastien COUVREUR, « Autorisation du bourgmestre et personnes morales de droit public », In Georges KRIEGER, Les autorisation du bourgmestre, Portalis, Luxembourg, 2014, pages 452 à 455.)

 

 

Recours devant les juridictions administratives


A propos des éventuels recours devant les juridictions administratives contre les décisions prises sur base de la (future) loi, nous relèverons qu’un recours en réformation devant le tribunal administratif serait ouvert. Le délai de recours serait de quarante jours, ce qui déroge donc au délai ordinaire de trois mois.

 

Les associations mentionnés à l’article 29 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés seraient réputées avoir un intérêt personnel pour agir contre ces décisions.

 

Le projet de loi prévoit également l’instauration d’un recours « comme en référé » contre les décisions déterminant si un projet requiert – ou non –  une EIE ; le Président du tribunal administratif statuerait, classiquement, en premier et dernier ressort, mais ici, il faut le relever,  comme juge du fond. Le délai de recours serait de quarante jours trente jours à dater de la notification de la décision au maître d’ouvrage ou, pour le public concerné, à dater de la publication de l’avis sur le site électronique.

 

 

 

 

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