Droit immobilier

L’évaluation environnementale dans le cadre de l’élaboration des plans d’aménagement

 

L’évaluation environnementale dans le cadre de l’élaboration des plans d’aménagement

 

Le développement croissant du droit de l’environnement a des conséquences de plus en plus marquées en droit immobilier. Ce constat, qui est celui de tous les praticiens, s’explique par une production exponentielle de textes de loi régissant la matière, le plus souvent issus de directives européennes. Dans le contexte du présent article, nous nous intéresseront spécifiquement à l’étude environnementale, communément appelée « SUP » (strategische umweltprüfung), dans la mesure où cette étude joue un rôle fondamental dans le cadre de l’élaboration, de la révision ou de la modification ponctuelle des instruments de planification étatiques ou communaux.

 

Les questions juridiques qui sont par ailleurs soulevées par cet outil, ne manquent pas de devoir trouver des réponses.

 

La loi du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement impose, en vertu de son article 2, l’élaboration d’une évaluation environnementale pour « tous les plans et programmes élaboré pour les secteurs (…) de l'aménagement du territoire urbain et rural ou de l'affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets (visés par la directive modifiée 85/337/CEE) pourra être autorisée à l'avenir. »

 

Cette obligation est également imposée pour ces plans et programmes « pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ».

 

En d’autres termes, dans l’hypothèse qui nous intéresse dans l’optique du présent article, l’élaboration d’une évaluation environnementale est légalement imposée dans le cadre de la révision des plans d’aménagement général des communes luxembourgeoises, ce que chaque commune est chargée de faire pour le 8 août 2013, respectivement le 8 août 2015 en cas de prolongation des délais, accordée en vertu de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

 

 

  1. Qu’en est-il des plans d’aménagement particulier ?

 

La question de savoir si un plan d’aménagement particulier nécessite l’élaboration d’une « SUP » s’est posée dans la pratique et a reçu une réponse jurisprudentielle récente.

 

Par un jugement de principe du  3 novembre 2011, n° 27306 du rôle, le tribunal administratif a considéré (à juste titre) que les plans et programmes visés par la loi du 22 mai 2008 sont ceux qui définissent le cadre dans lequel pourra être autorisée à l’avenir la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive modifiée 85/337/CEE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, ainsi que ceux pour lesquels une évaluation est requise en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.

 

Le tribunal de constater, à la suite de cette première observation, qu’un plan d’aménagement particulier ne correspond pas aux projets visés aux annexes I et II de la directive précitée, pas plus qu’il ne correspond aux projets visés à l’article 12 de la loi précitée du 19 janvier 2004.

 

Le tribunal en vient ainsi à la conclusion qu’un plan d’aménagement particulier « n’est pas soumis à l’obligation énoncée par ladite loi d’établir préalablement à son adoption une évaluation environnementale ».

 

La juridiction administrative ajoute même : « Il suit des considérations qui précèdent que la loi du 22 mai 2008 n’est pas applicable en matière d’adoption d’un plan d’aménagement particulier ».

 

Cette conclusion, si elle se justifie dans la plupart des cas, doit toutefois être nuancée.

 

En effet, l’annexe II de la directive précitée vise par exemple les « villages de vacances » ou encore des « complexes hôteliers », qui peuvent être l’objet d’un plan d’aménagement particulier.

 

Il s’ensuit que certains projets d’aménagements particulier, en ce qu’ils définissent le cadre dans lequel pourra être autorisée à l’avenir la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive, doivent à mon estime faire l’objet d’une évaluation environnementale préalablement à leur adoption, ceci d’autant plus si le PAP entend déroger à certaines prescriptions urbanistiques retenues au PAG.

 

 

2. Qu’en est-il des modifications « ponctuelles » des PAG ?

 

La loi précitée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement dispose, en son article 2.3, que « les plans et programmes (…) qui déterminent l’utilisation de petites zones au niveau local et des modifications mineures des plans et programmes (…) ne sont obligatoirement soumis à une évaluation environnementale que lorsque l’autorité responsable du plan ou programme estime, le ministre (du Développement durable et des Infrastructures) entendu en son avis, qu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.  

 

Les notions de « petites zones au niveau local » et de « modifications mineures » ne sont pas définies, ni dans la loi, ni dans les travaux parlementaires.

 

Au vu de l’objectif de la loi, une modification mineure doit s’entendre en ce sens qu’elle aura un impact inexistant ou très réduit sur l’environnement. Une analyse doit être faite sur base des critères figurant à l’article 3 de la loi précitée. Il en est de même en ce qui concerne les petites zones au niveau local, qui doivent faire l’objet d’une analyse in concreto, le ministre du Développement durable et des Infrastructures préalablement entendu en son avis.

 

La disposition précise en effet qu’il « sera procédé à un examen au cas par cas, conformément aux critères pertinents » fixés par la loi.

 

Enfin, les conclusions prises à la suite de l’examen précité « y compris les raisons de ne pas réaliser une évaluation environnementale » doivent faire l’objet d’une publication sur support électronique ainsi que d’une publication par extrait dans au moins quatre quotidiens imprimés et publiés au Luxembourg.

 

En vertu de l’article 12 de la loi précitée du 22 mai 2008, un recours en annulation, à introduire par un Avocat à la Cour, est ouvert devant les juridictions administratives contre la décision de ne pas élaborer une évaluation environnementale, cette décision devant par ailleurs pour rappel être motivée en application des articles 2.6 et 2.7 de la loi précitée.

 

Ce recours est à introduire, sous peine de déchéance, dans un délai de 40 jours à compter de la publication précitée.

 

 

3. Rapports entre le PAG et l’évaluation environnementale

 

Les rapports entre l’enquête publique imposée dans le cadre de la modification ou de la révision d’un plan d’aménagement général et l’enquête publique imposée en vertu de la loi précitée du 22 mai 2008 ne sont pas toujours simples en pratique.

 

La raison en est principalement que ces enquêtes publiques sont organisées de paire.

 

Cette façon de procéder est d’ailleurs recommandée par le ministère du Développement durable est des infrastructures (Leitfaden zur strategischen Umweltprüfung für die Ausarbeitung des Plan d’Aménagement Général).

 

Or, ceci pose indubitablement problème dans la pratique puisque la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain octroie aux administrés un délai de 30 jours pour faire valoir leurs observations à l’encontre du PAG, alors que la loi précitée du 22 mai 2008 prévoit, elle, un délai de 45 jours (article 7 de la loi).

 

Une telle différence de délai est un facteur de confusion tant pour les administrés que pour les administrations. En effet, il semble à tout le moins compliqué de distinguer les réclamations portant sur le PAG des réclamations portant sur la « SUP » alors que les deux sont intimement liés puisque la « SUP » est la motivation environnementale des options urbanistiques retenues (ou du moins, de certaines options retenues) par le PAG.

 

Il est ainsi loisible d’échapper, en cas de dépassement du délai, à la forclusion d’une réclamation formulée à l’encontre du PAG si celle-ci trouve un fondement suffisant dans l’évaluation environnementale.

 

La confusion qui résulte de la tenue conjointe de l’enquête publique dans le cadre de la SUP et de celle dans le cadre du PAG, nait à mon estime d’une mauvaise application des textes.

 

En effet, il ressort des articles 2, 4, 7, et 9 de la loi du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement que l’élaboration de la « strategische umweltprüfung » doit être préalable à la procédure législative ou réglementaire du plan ou programme sur lequel porte l’évaluation environnementale.

 

En effet, l’article 4 de la loi précitée, par exemple, énonce sans équivoque :

 

« L’évaluation environnementale (…) est effectuée par l’autorité responsable du plan ou programme pendant l’élaboration du plan ou du programme et avant qu’il ne soit adopté ou soumis à la procédure législative ou réglementaire » (je souligne).

 

L’article 9 dispose quant à lui que :

 

« (…) Les observations et suggestions exprimées en vertu (de l’enquête publique), (…), sont pris en considération pendant l’élaboration du projet de plan ou programme concerné et avant que celui-ci ne soit adapté ou soumis à la procédure législative ou réglementaire ».

 

Ceci est bien entendu logique.

 

Il importe que le citoyen puisse participer activement à l’élaboration des plans visés par la loi et ce à un stade précoce, à un moment où son intervention peut encore influé sur les options urbanistiques retenues.

 

Ainsi en ce qui concerne les PAG, une application stricte de la loi voudrait que l’évaluation environnementale soit soumise à enquête publique alors même que le PAG est en cours d’élaboration par le bureau urbanistique de la commune, de sorte que les réclamations déposées à l’encontre de la SUP puissent valablement être prises en considération et ce avant que le PAG ne soit voté par le conseil communal.

 

Une telle solution, a d’ailleurs été validée et reconnue par la Cour administrative, par un arrêt du 30 juin 2011 (même s’il concernait la procédure prévue par la loi modifiée du 19 juillet 2004, telle qu’elle était en vigueur avant la loi du 28 juillet 2011), qui décidait notamment ce qui suit :

 

« (…) le public ne doit pas seulement être informé et mis en mesure de participer après le vote provisoire du projet par le conseil communal, puisqu’à ce stade, certaines options urbanistiques ont d’ores et déjà été prises, la commission d’aménagement ayant d’ores et déjà émis un avis et le conseil communal s’étant provisoirement fixé quant au contenu du plan d’aménagement, de sorte que le public, informé du projet après ce vote, ne peut plus agir, mais seulement réagir, ce qui est contraire au vœu de la disposition précitée qui exige une consultation du public dès le début de la procédure et à un moment où toutes les options sont encore possibles ».

 

L’arrêt poursuit :

 

« L’obligation d’information telle que consacrée par la Convention d’Aarhus poursuit l’objectif de permettre au public et, en particulier, aux personnes concernées, de faire valoir leurs arguments et suggestions relatifs à des considérations environnementales à un stade précoce afin qu’ils puissent être pleinement pris en considération dès l’élaboration des premiers projets de plans et programmes ».

 

La Cour administrative tempère toutefois les conséquences du non respect, par la commune, de l’obligation de tenir l’enquête public concernant l’évaluation environnementale à un stade précoce de l’élaboration du plan visée, en ce que « l’annulation des décisions prises en violation de ces règles ne saurait entrainer leur annulation qu’au cas où celui qui s’en prévaut peut faire état d’éléments qui auraient pu et dû être pris en considération à un stade précoce de la procédure et qui auraient été de nature à influer sur le contenu des plans et programmes à élaborer ».

 

Il est toutefois conseillé de tenir l’enquête public relative à l’évaluation environnementale, préalablement à l’entame de la procédure visant à réviser intégralement le plan d’aménagement général.

 

 

4. Pour aller plus loin :

 

 

- Loi du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.

 

- Directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement.

 

- Portail de l’Environnement

 

- Leitfaden zur strategischen Umweltprüfung für die Ausarbeitung des Plan d’Aménagement Général

 

Par Me Sébastien COUVREUR

Avocat

 

 

 

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