Droit immobilier

Plans d’action contre le bruit : quels impacts en droit de la construction ?

Plans d’action contre le bruit : quels impacts en droit de la construction ?

 

En 2018, une nouvelle couche intitulée « zones calmes » faisait son apparition sur le site géoportail.lu dans la rubrique « Environnement ».

 

L’introduction de ces « zones calmes » provenait directement de la directive 2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement. Cette directive a été transposée par la loi du 21 juin 1976 relative à la lutte contre le bruit.

 

L’article 2 de la loi modifiée du 21 juin 1976 précise que :

 

 «1. Des règlements grand-ducaux, à prendre sur avis du Conseil d’Etat, fixent les mesures à prendre en vue d’évaluer, de prévenir, de réduire ou de supprimer le bruit.

Ces règlements peuvent :


(…)

5. créer des zones de protection et décréter des mesures spécifiques qui doivent être observées dans ces zones;

(…) ».

 

Le règlement grand-ducal du 2 août 2006 exécutant la loi précitée ne précise pas quelles sont les mesures spécifiques qui doivent être observées dans ces zones de protection.

 

Cependant, l’article 10 dudit règlement relatif à l’information du public prévoit que :

 

« Les cartes de bruit stratégiques et les plans d'action approuvés sont rendus accessibles au public au moyen des technologies de l'information disponibles.

(…) ».

 

En septembre 2020, ces cartes et ces plans d’action ont été approuvés. L’administration de l’environnement a lancé une consultation publique au sujet de 4 plans d’action contre le bruit. Dans les 15 jours qui suivent la notification (29.09.2020), les communes sont tenues à déposer le projet pendant 60 jours à la maison communale où le public peut en prendre connaissance. Toute personne intéressée peut, pendant ce laps de temps, transmettre ses observations et suggestions par courrier électronique ou par écrit au collège des bourgmestre et échevins de sa commune.

 

La loi du 21 juin 1976 relative à la lutte contre le bruit prévoit en son article 2 que par règlement grand-ducal, lesdits plans d’action peuvent être déclarés obligatoires sur avis du Conseil d’Etat.

 

Le bruit a été cartographié afin d’identifier les zones prioritaires de gestion de bruit. Les 4 plans d’action sont les suivants :

 

-          Plan d’action contre le bruit des grands axes routiers de plus de 3 millions de passages de véhicules par an

 

-          Plan d’action contre le bruit des grands axes ferroviaires de plus de 30.000 passages de trains par an

 

-          Plan d’action contre le bruit dans l’agglomération de Luxembourg

 

 -          Plan d’action contre le bruit de l’aéroport de Luxembourg

 

Les différentes mesures prévues dans ces plans d’action pour prévenir ou limiter le bruit sont assez similaires d’un plan à l’autre et nous avons retenus les mesures suivantes qui seraient susceptibles de concerner les propriétaires et les acteurs du domaine immobilier en général :

 

La protection des bâtiments résidentiels


Les objectifs de protection à l’extérieur des bâtiments résidentiels de la « 16. BimSchV » (valeurs limites applicables en Allemagne), appliqués au Luxembourg restent valables et leur utilisation est recommandée par l’administration de l’Environnement. Par exemple, dans les zones d’habitation, la limite se situe à 59 db le jour et 49 db la nuit ; dans les zones mixtes, la limite se situe à 64 db le jour et 54 db la nuit.

 

Pour les nouveaux projets, il se peut qu‘il soit impossible d’atteindre les objectifs de protection à l’extérieur des bâtiments résidentiels. Si cela est justifié, il sera alors possible de recourir à l’insonorisation acoustique renforcée des locaux concernés, en complément de protections du type « obstacles à la propagation du bruit », voire en remplacement de ceux-ci. Pour citer un exemple, les objectifs de protection extérieurs ne pourront être atteints alors que pour la promotion de l’utilisation des transports publics, la proximité des quartiers résidentiels est souhaitée.

 

Il faut noter que si les plans d’action devaient être déclarés obligatoires, ces objectifs pourraient être précisés et implémentés par les communes via la règlementation urbanistique notamment.

 

Un aménagement du territoire tenant compte de la problématique du bruit


Afin de préserver les zones calmes, les plans d’action prévoient de limiter la construction de logements et autres infrastructures dans des zones bruyantes et d’adapter les modes de construction ainsi que les outils urbanistiques en conséquence. L’affectation, la planification et l’aménagement de ces zones tiendra alors compte de l’ambiance sonore du quartier.

Ces considérations urbanistiques liées au bruit devront cependant se confronter et être prises en compte au même titre que d'autres considérations urbanistiques d'utilité publique, telles la protection de l'environnement, l'utilisation rationnelle du sol, l'adaptation des constructions et activités au sein des tissus urbain existants, la proximité des lieux d'habitation vis à vis des équipements publics (crèches, écoles, centres sportifs et culturels, etc.), des moyens de transports, des centres urbains ou villageois, etc.

 

Les mesures au niveau de l’aménagement communal ne prévoient pas de contraintes s’imposant aux communes laissant ainsi libre court à l’autonomie communale. Ces différentes servitudes viendront alors s’ajouter à la panoplie de servitudes déjà existantes et il y aura lieu d’en vérifier la proportionnalité le cas échéant.

 

D’après les plans d’action, au niveau communal, trois outils permettraient de prendre des mesures visant à intégrer la problématique de la pollution sonore dans la planification urbanistique  :

 

-          Le PAG : l’article 35 du règlement du 8 mars 2017 a d’ailleurs introduit la notion de la « zone de bruit » comprenant les parties du territoire communal affectées par des nuisances sonores sérieuses résultant du trafic aérien, routier ou ferroviaire ainsi que d’activités économiques. Cet article permet ainsi, en principe, et sous réserve d'un contrôle du juge administratif, de prévoir de telles zones munies de servitudes spéciales pour tenir compte de l’exposition au bruit.

 

-          Le PAP : des mesures urbanistiques et architecturales pourront être mises en œuvre, notamment moyennant un certain type d’agencement des immeubles ou la construction d’obstacles à la propagation du bruit. Un PAP peut également prévoir des mesures architecturales ou techniques spécifiques pour garantir un bon niveau d'isolation sonore.

 

 

-          Le règlement sur les bâtisses : il constitue également un moyen d’ancrage permettant de fixer par exemple le degré d’isolation acoustique. Au sein d’une même commune, les niveaux de protection pourront donc varier d’une zone à une autre en fonction des niveaux de bruit y existants. Il y a lieu de préciser que le respect des valeurs limites fixées dans le règlement sur les bâtisses, constituera une obligation de résultat pour le maître d’ouvrage (les demandes d'autorisation de bâtir devant être conformes au règlement des bâtisses sans pouvoir y déroger). Cette contrainte ne sera donc pas à prendre à la légère en cas d’achat d’un bien dans une zone dite de bruit, qui serait encadrée par de telles dispositions règlementaires.

 

Les diverses servitudes que les communes prévoiront sous peu (dans le cadre de refonte de leurs PAG, dans le cadre de modifications ponctuelles du règlement des bâtisses, des PAG ou des PAP QE) seront donc à analyser de près.  En effet, la création de nouvelles zones de bruit ou la règlementation nouvelle de zones de bruit existantes pourrait, en sus d’apporter certaines contraintes architecturales, bloquer le cas échéant certains projets immobiliers techniquement incompatibles avec les exigences réglementaires nouvellement adoptées.

 

 

Les liens vers les présentations des projets :

• Plans d’action concernant la route, le rail et l’agglomération - le 19 octobre 2020 à 17h

• Plan d’action concernant l’aéroport - le 20 octobre 2020 à 17h

 

 

Me Raffaela FERRANDINO – avocate

Me Sébastien COUVREUR – Avocat à la Cour

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