Droit immobilier

Les zones de protection des sources d’eau

Georges Krieger

Ces derniers jours, un nombre important de projets de règlements grand-ducaux ont été lancés pour fixer les zones de protection des sources d’eau, ceci en vertu de l’article 44 de la loi du 30 décembre 2008 sur la protection et la gestion des eaux. Les impacts que ces classements peuvent avoir pour les terrains à bâtir, tout comme les terrains déjà construits, nous ont convaincus de publier ce dossier urgent.

Ont été recensés par notre étude :

1.- Projet de règlement grand-ducal portant création de zones de protection autour des captages d’eau souterraine Ouschterbour, Am Deich, Brouchbour 1, 2 et 3, Aechelbour, Schwaarzegronn, Glabach, Bunten, Kengert BR1, Kengert BR2 et Kengert BR6 situées sur les territoires des communes de Larochette, Nommern, Vallée de l’Ernz, Fischbach et Mersch.

 

2.- Projet de règlement grand-ducal portant création de zones de protection autour des captages d’eau souterraine Fielsbur 1, Fielsbur 2, Fielsbur 3, Mandelbaach 1, Mandelbaach 2, Sulgen, Hollenfels 1 et Hollenfels 2 situées sur les territoires des communes de Mersch et Helperknapp.

 

3.- Projet de règlement grand-ducal portant création de zones de protection autour du site de captage d’eau souterraine Leesbach et des captages Ansembourg 1 et 2 et François situées sur les territoires des communes de Saeul, Habscht et Helperknapp.

 

4.- Projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour des captages d’eau souterraine Brunnen 1 et Brunnen 2 situées sur le territoire de la commune d’Ell.

 

5.- Projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour des captages d’eau souterraine Grundhof, Cloosbierg 1, Cloosbierg 2, Cloosbierg 3, Dillingen 1, Dillingen 2, Dillingen 3, Dillingen 4, Dillingen 5, Dillingen 6 et Dillingen 7 situées sur les territoires des communes de Beaufort et Reisdorf.

 

6.- Projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour des captages d’eau souterraine Campingwee et Grondwee situées sur les territoires des communes d’Ettelbruck et Feulen.

 

7.- Projet de règlement grand-ducal portant création de zones de protection autour des captages d’eau souterraine Trudlerbour, Millbech, Stuwelsboesch, Boumillen nouvelle, B11 et Bichel, ainsi que du site de captage Scheidhof et situées sur les territoires des communes de Contern, Hesperange, Luxembourg, Sandweiler, Schuttrange et Weiler-la-Tour.

 

8.- Projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour des captages d’eau souterraine des sites Glasbouren, Brennerei et Dommeldange et situées sur les territoires des communes de Luxembourg, Niederanven, Steinsel et Walferdange.

 

9.- Projet de règlement grand-ducal portant création de zones de protection autour des captages d’eau souterraine Krëschtebierg 1, Krëschtebierg 2 et Kuelemeeschter et situés sur les territoires des  commune de Redange-sur-Attert et de Rambrouch.

 

10.- Projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour des captages d’eau souterraine Girst et Boursdorf situées sur les territoires de la commune de Rosport- Mompach.

 

11.- Projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour des captages d’eau souterraine Willibrordusquelle, Waldquelle (puits), Wiesenquelle, Herborn, Bourlach 1, Bourlach 2, Bech, Rippig, Waldquelle (source), Alter Speicher, Wolper, Millewues, Vollwaasser situées sur les territoires des communes de Bech, Consdorf, Echternach et Rosport-Mompach.

 

12.- Projet de règlement grand-ducal portant création de zones de protection autour des captages d’eau souterraine Everlange, Reimberg, Roubricht, Ribbefeld et Bréimchen situées sur le territoire des communes de Useldange, Préizerdaul, Redange, Boevange-sur-Attert, Vichten, Grosbous et Wahl.

 

13.- Projet de règlement grand-ducal portant création de zones de protection autour du captage d’eau souterraine Erdt et situés sur les territoires des communes de Préizerdaul et Wahl.

 

14.- Projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour des captages d’eau souterraine Schwaarzebur, Maescheierchen 1 et Maescheierchen 2 et situées sur les territoires des communes de Grosbous et Mertzig.

 

15.- Projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour du captage d’eau souterraine Welterbaach et Neiwiss et situés sur les territoires des communes de Grosbous et Wahl.

 

16.- Projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour des captages d’eau souterraine, Wäschbur, Feschweier, Wollefsbour, Kazebur, Kaschbur, Béik, Simmern, Schwind, Lichtebirchen, Waeschbour, Persdbur, Zoller, Wëlfragronn 1, Wëlfragronn 2, Wëlfragronn 3 annexe, Tunnel 1 (côté Eischen), Tunnel 2 (côté Hovelange), Laangegronn 1, Laangegronn 3, Laangegronn 4, Laangegronn 5 et Uechtlach, et situées sur les territoires des communes de Beckerich, Hobscheid, Septfontaines et Saeul.

 

17.- Projet de règlement grand-ducal portant création de zones de protection autour des captages d’eau souterraine Bettendorf et Gilsdorf et situés sur le territoire de la commune de Bettendorf

 

18.- Projet de règlement grand-ducal portant création de zones de protection autour du site de captage d’eau souterraine Schankbour et situées sur le territoire de la Ville d’Echternach.

 

19.- Projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour des captages d’eau souterraine du site de captage Kopstal (côté Ouest) et situées sur les territoires des communes de Kehlen et Kopstal.

 

20.- Projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour du captage d’eau souterraine Brameschbierg 1 situées sur les territoires de la commune de Kehlen.

 

21.- Projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour des captages d’eau souterraine du site de captage Kopstal (côté Est) et situées sur les territoires des communes de Kopstal, Lorentzweiler et Steinsel.

 

22.- Projet de règlement grand-ducal portant création de zones de protection autour du captage d’eau souterraine Heisdorf et situées sur le territoire de la commune de Steinsel.

 

23.- Projet de Règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour des captages d’eau souterraine Siwebueren et Katzebuer-Millebaach et situés sur les territoires des communes de Luxembourg, Strassen et Walferdange.

 

24.- Projet de règlement grand-ducal portant création de zones de protection autour du captage d’eau souterraine Boumillen ancienne situées sur le territoire de la commune de Schuttrange.

Cette liste n’est pas exhaustive.

 

Les précisions se trouvent en annexe du présent article.

Les effets cachés de la déclaration de zone de protection

 

Un règlement grand-ducal du 9 juillet 2013 a fixé dans son annexe les servitudes qui peuvent frapper les terrains situés dans l’une ou l’autre zone. Certaines servitudes sont draconiennes. Si un terrain se trouve en zone II respectivement en zone II-V1, soit une zone de protection rapprochée de la zone d’utilité publique, il sera impossible d’y désigner de nouvelles zones à bâtir, de procéder à la construction, l’extension substantielle, la transformation substantielle, l’exploitation sur ce terrain de constructions de routes et leurs extensions sont défendues. Même si les terrains se trouvent en zone d’habitation, en zone de PAP ou en zone artisanale ou industrielle, la servitude qui se superpose sur ces terrains implique que plus aucune construction n’y sera possible. Il n’est pas permis au ministre de déroger à cette impossibilité.

 

Les servitudes peuvent être sensibles pour les agriculteurs dont l’exploitation des terres se trouvera soumise aux servitudes inscrites dans le règlement grand-ducal du 9 juillet 2013.

 

La loi du 30 décembre 2008 sur la protection et la gestion des eaux a prévu la publication d’un règlement grand-ducal qui arrête les mesures applicables à l’ensemble des zones de protection du prédit règlement grand-ducal du 9 juillet 2013. Elle prévoit également la publication de règlements grand-ducaux délimitant les zones de protection. Assez curieusement, ces règlements grand-ducaux, qui sont à l’heure actuelle dans la phase d’élaboration, contiennent de nouvelles servitudes qui ne sont pas prévues dans le règlement général du 9 juillet 2013.

 

Ces règlements grand-ducaux interviendront à un moment où la plupart des administrations communales n’ont pas encore entamé la refonte de leur plan d’aménagement général. Elles seront obligées de prendre ces servitudes en considération et redélimiter ainsi, le cas échéant, la zone verte au vu des zones de protection de l’eau. La motivation pour le reclassement de ces terrains à bâtir en zone verte est difficilement contestable, elle se justifie par le règlement grand-ducal entré en vigueur.

 

Un régime de servitude douteux

 

Comme indiqué ci-dessus, les servitudes qui frapperont les différentes parcelles peuvent être sensibles, elles peuvent être tellement importantes qu’elles constitueront une atteinte à un attribut essentiel de la propriété. Dans un arrêt du 4 octobre 2013, la Cour constitutionnelle a retenu que dans un tel cas, la servitude peut correspondre à une expropriation et le propriétaire pourra faire valoir un dédommagement pour cause d’expropriation. Le Conseil d’Etat, dans un avis publié dans le cadre de l’élaboration de la loi du 20 juillet 2017, modifiant la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau, s’est exprimé comme suit :

 

(…) Le Conseil d’Etat avait demandé, au vu des servitudes nécessaires en zone II pour assurer la qualité de l’eau potable, à ce que la loi précitée du 19 décembre 2008 soit modifiée afin d’accorder le caractère d’utilité publique à la zone de protection rapprochée. Dans ce même avis, le Conseil d’Etat avait demandé d’analyser dans quelle mesure l’usage restreint des propriétés privées, en exécution des dispositions réglementaires en projet, donnera droit à indemnisation des propriétaires concernés à la lumière de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle (arrêt n° 101/13 du 4 octobre 2013).Toutefois, à la lecture de la loi en projet, le Conseil d’Etat constate qu’il n’a pas été suivi dans sa suggestion d’accorder le statut d’utilité publique aux zones de protection rapprochée et d’examiner dans quelle mesure l’usage restreint des propriétés privées donne droit à indemnisation. (…) Se pose la question de la qualité et de la portée des « mesures » prévues à l’article 44, paragraphe 2. Les mesures arrêtées par règlement grand-ducal ne risquent-elles pas « d’enfreindre les exigences de l’article 16 de la Constitution, chaque fois qu’il comporte des servitudes pour les propriétés privées, contraignantes au point d’en changer les attributs de propriété sur un point essentiel ». (…)

 

La procédure – un alibi d’enquête publique

 

L’exploitant d’un point de prélèvement adresse une demande de création d’une zone de protection au ministre de l’environnement. L’exploitant est le plus souvent une administration communale ou un syndicat de communes. Si le ministre accepte le dossier, il rédige un projet de création de zones de protection et renverra le dossier à la commune aux fins d’enquête publique. Le ministre n’est pas lié par un quelconque délai, il pourra envoyer le dossier à n’importe quel moment. Il se fait que la plupart des dossiers ont été renvoyés aux communes ces derniers jours, soit avant les vacances de pâques, soit à  six mois des élections législatives.

 

Dans les deux mois de la réception du dossier, les communes territorialement compétentes seront tenues de procéder à une enquête publique dont on doit se poser la question de l’utilité pour le citoyen. Si une zone s’étend sur le territoire de plusieurs communes, les communes concernées ne sont pas tenues de réaliser l’enquête publique en même temps : une zone peut ainsi faire l’objet de plusieurs enquêtes, et un citoyen concerné pourra introduire plusieurs réclamations.

 

Il n’est pas défini comment les communes devront en informer les citoyens, elles pourront le faire moyennant une simple information au Raider, elles le feront certainement par une information sur le site web de la commune, mais il n’existe aucune obligation d’en informer la population par une annonce dans les journaux, à l’instar de la procédure de modification du plan d’aménagement. Les communes peuvent procéder à une soirée d’information publique, où le public aura connaissance des études effectuées par l’un ou l’autre bureau, mais elles n’y sont pas tenues.

 

Le projet sera rendu public et ainsi consultable à la maison communale de manière usuelle et ceci pendant trente jours, tout en invitant le public concerné à prendre connaissance des pièces pendant trente jours. Quelle est la manière usuelle, si cette procédure n’a jamais été lancée ? Pendant ce même délai, les objections contre le projet doivent être adressées au collège des bourgmestre et échevins. Les objections peuvent être de toute nature, soit qu’un citoyen estime que la zone n’est pas assez large, soit qu’un propriétaire s’estime lésé par son classement. Etant donné que les projets de règlement contiennent également de nouvelles contraintes ou servitudes d’intérêt public, la réclamation peut aussi s’étendre aux nouvelles servitudes. Et enfin, il est bien entendu possible de quereller les résultats et la manière comment ont été réalisées les études préparatoires.

 

Les objections envoyées au collège échevinal sont continuées au conseil communal pour avis.  Le dossier avec les réclamations et l’avis du conseil sera transmis dans le mois de l’expiration du délai avec les pièces afférentes. Les objections peuvent être envoyées par tout moyen, que ce soit une lettre recommandée, un e-mail, voir une réclamation orale. La loi ne prévoit pas de procédure spécifique. A partir de ce moment, le citoyen n’entendra plus jamais parler de sa réclamation. Le ministre n’est pas obligé de prendre positon par rapport à l’avis du conseil communal, ni le conseil communal ni le ministre ne sont obligés de répondre au citoyen réclamant. La procédure de réclamation s’enlise dans la paperasse de la bureaucratie. Le citoyen avait la possibilité d’exprimer ses réclamations, l’administration n’est pas obligée de l’écouter !

Les possibilités de recours

La déclaration de zone de protection se fait moyennent un règlement grand-ducal. La loi prévoit la possibilité d’introduire un recours en annulation contre un règlement grand-ducal si ce règlement grand-ducal viole la loi. Ce recours doit être introduit dans un délai de 3 mois à partir de la publication du règlement grand-ducal au mémorial.

 

Le texte de la loi du 30 décembre 2008 sur la protection et la gestion des eaux ne prévoit pas que la réclamation décrite ci-dessus doit être faite sous peine d’irrecevabilité d’un recours en annulation : il n’existe pas d’exceptio omisso medio. Toute personne qui constate qu’un règlement de déclaration de zone de protection lui est préjudiciable peut introduire un recours, même s’il n’a pas fait d’opposition auparavant, du moment qu’il respecte le délai de 3 mois.

 

D’un autre côté, le recours ne peut se baser que sur les moyens d’illégalité du règlement grand-ducal soit dans son contenu, soit dans son élaboration. L’illégalité quant au contenu peut notamment consister dans une violation du droit de propriété d’un propriétaire.

 

Maître Georges KRIEGER
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