Droit immobilier

Projet de loi omnibus : plusieurs oppositions formelles du Conseil d'Etat

 

Le Conseil d'Etat vient de remettre, ce vendredi 17 juillet 2015, son avis sur le projet de loi omnibus, projet au travers duquel le gouvernement s'était assigné le dessein de moderniser l'Etat, de simplifier les procédures administratives, ou encore de réformer certains mécanismes de la fonction publique.

Le projet de loi vise, pour rappel, d'importants pans de la législation dans des domaines variés. Aussi, le soussigné partage l'opinion du Conseil d'Etat suivant lequel "en affectant successivement des législations disparates, le projet de loi acquiert une grande complexité qui le rend d'un abord difficile", les Sages de laisser entendre qu'ils eussent préféré que les auteurs aient présenté des projets de loi séparés, au lieu d'enfuir le tout au sein d'un même projet "omnibus".

De nombreuses dispositions projetées se sont vu confrontées à une opposition formelle du Conseil d'Etat.

Petit tour d'horizon :

 

Aménagement communal


Quant à la possibilité laissée à l'administration communale d'élaborer un plan d'aménagement particulier (PAP) précisant les plans d'occupation du sol (POS) insuffisamment précis, le Conseil d'Etat a estimé que cette solution "engendrerait une incohérence entre textes législatifs [la législation en matière d'aménagement communal d'une part, et celle en matière d'aménagement du territoire d'autre part] en ce qui concerne les compétences respectives des autorités étatiques et communales".

Le Conseil d'Etat s'opposa également formellement au texte prévu concernant la procédure de publication des modifications ponctuelles des PAP, dès lors que cette procédure était source de confusion et d'insécurité juridique.

 

Droit de préemption

 

Sur base de la jurisprudence de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la Haute Corporation s'est montré très critique sur l'extension projetée du champ d'application du droit de préemption accordé aux administrations communales et au Fonds du Logement, en arguant, en substance, que les nouvelles hypothèses de droit de préemption ne correspondaient pas aux exigences de légalité et de proportionnalité posées par sa jurisprudence.

Les Sages soulignèrent également, à juste titre, que le droit de préemption constituait une atteinte, à la fois au droit de propriété et à la liberté contractuelle, alors qu'il comporte une limitation du droit du propriétaire de disposer librement de sa chose. Il y a lieu d'ajouter au surplus, que le droit de préemption risque non seulement de nuire au vendeur, mais surtout à "l'acquéreur initial" de cette chose, qui voit cette chose lui échapper, du fait de l'intervention du pouvoir expropriant. 

Ainsi, si le Conseil d'Etat a justement fait observer que le droit de préemption "entrave considérablement, non pas seulement la prévisibilité, mais encore la rapidité des transactions immobilières entre particuliers, au point d'instaurer une insécurité juridique certaine quant à l'issue des transactions immobilières envisagées, et alourdit en plus la procédure et la responsabilité notariales", il a omis encore le fait que ce droit de préemption peut faire échouer l'élaboration ou l'exécution d'un lotissement.

 

Compétence spéciale attribuée au bourgmestre en matière d'appareils d'amplification sonore et de haut-parleurs à l'extérieur des bâtiments ou propageant le son en dehors ainsi que les haut-parleurs ambulants ou montés sur véhicules

 

Sur ce point, le Conseil d'Etat fit remarquer que la disposition projetée ne fournissait pas de critère permettant de savoir dans quelles conditions l'autorisation pourrait être accordée, respectivement refusée, et qu'elle ne définissait pas avec suffisamment de précision son champ d'application, raison pour laquelle il s'y opposa formellement.

 

En matière de publicité


Suivant le projet de loi, le pouvoir réglementaire communal se verrait attribuer la compétence d'édicter des règlements communaux aux fins de déterminer les conditions à respecter pour l'usage de la publicité, étant définie comme "tout dispositif optique établi en vue de la publicité, quels que soient l'objet de la publicité et l'emplacement du dispositif, à l'exception de la publicité produisant son effet exclusivement vers l'intérieur des immeubles".

 

Les Sages ont estimé que cette attribution de compétence était contraire à l’article 11 (6) de la Constitution (liberté de commerce et d’industrie), en ce que les restrictions à cette liberté ne peuvent être qu’apportées par une loi (matière réservée à la loi par la Constitution), sauf si la loi confie le soin au Grand-Duc (et non au pouvoir réglementaire communal), la règlementation du détail, pour autant que la loi ait au préalable fixé le cadre et les balises de l’intervention du pouvoir réglementaire.  

 

Etablissements classés


En matière de commodo-incommodo, le Conseil d’Etat s’est également opposé formellement à deux dispositions du projet de loi omnibus, concernant la procédure d’instruction des dossiers de demande d’autorisation d’exploitation, pour des raisons d’incohérences textuelles.

 

Pour plus d’informations :

- Avis du Conseil d’Etat du 17 juillet 2015 ;

- Autres avis sur le projet de loi "omnibus".

- Texte du projet de loi

 

 

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