Droit immobilier

Le Luxembourg est-il un Etat de droit ?



Vu les évolutions législatives récentes en matière d'aménagement communal et d'aménagement du territoire, le Luxembourg est-il un Etat de droit ?


La question peut faire sourire. Elle est volontairement impertinente. S'il convient d'éviter la tentation de la caricature et qu'il s'impose, sur pareil thème, de rester pondéré, la question mérite tout de même que l’on s’y attarde.

 

L’Etat de droit a été définit par le juriste autrichien Hans Kelsen, comme étant l’«Etat dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s'en trouve limitée ». Il peut, de manière plus précise, être également entrevu comme l’ « ordre juridique dans lequel le respect du Droit est réellement garanti aux sujets de droit, not. contre l’arbitraire. » (Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 8ème édition mise à jour, Paris, 2007, p.374). Suivant l’ONU enfin, l’Etat de droit est « un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même, ont à répondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique  pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de  droits de l’homme. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l’équité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs » (Rapport du Secrétaire général « Rendre la justice : programme d’action visant à renforcer l’état de droit aux niveaux national et international » (A/66/749)).

 

L’Etat de droit répond ainsi à des caractéristiques bien précises qui visent à assurer la légalité de l’action des pouvoirs publics et le contrôle de cette action :

 

- Le principe de la hiérarchie des normes ;

- Le principe de la séparation des pouvoirs, prévoyant notamment l’indépendance du pouvoir judiciaire, exécutif et législatif ;

- Le principe de l’égalité des personnes physiques ou morales (y compris les personnes morales de droit public), face au droit ;

- Le principe de transparence, impliquant notamment la publicité des procédures en vue de garantir, autant que faire ce peut, la participation du public au processus décisionnel ;

- Le principe de l’accès à la justice, permettant de contester utilement les actes émanant de l’administration.   

 

Si l’on se réfère à ces principes généraux, l’on ne peut qu’observer une détérioration de l’Etat de droit, ces dernières années, à tout le moins en ce qui concerne le droit de l’aménagement communal.

 

La détérioration récente des droits des tiers dans le cadre de l’élaboration des plans d’aménagement

 

L’on constatera en premier lieu que la procédure d’adoption des plans d’aménagement particuliers a été tragiquement amputée de plusieurs mécanismes fondamentaux, permettant d’associer les citoyens au processus décisionnel, au travers de la loi du 28 juillet 2011 portant modification de la loi du 19 juillet 2004 sur l’aménagement communal et le développement urbain. Le Législateur, sous couvert d’un prétendu souci de rapidité et d’efficacité de l’action administrative (voir Doc.Parl. n° 6023)., a en effet purement et simplement supprimé la réunion d’aplanissement des différends, organisée jadis entre les réclamants et le collège des bourgmestre et échevins de la commune concernée. Dans la pratique, cette suppression ne permet aucun gain de temps au niveau de la procédure d’adoption du PAP. Par contre, elle prive l’administré d’une possibilité de se faire entendre, mais aussi de comprendre les raisons pour lesquelles ses observations ne pourraient être accueillies favorablement par l’autorité communale.

 

La possibilité de réclamer auprès de l’autorité de tutelle, en la personne du ministre de l’Intérieur, a également été abrogée. Enfin, la loi ne prévoit plus de mécanisme de notification de la décision ministérielle aux réclamants. En vertu de l’article 31 (1) de la loi précitée, le projet d’aménagement particulier, acte réglementaire, est dès lors la plupart du temps uniquement publié par voie d’affiches et, conformément à l’article 82 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, « mention du règlement et de sa publication dans la commune est faite au Memorial et soit dans au moins deux quotidiens publiés et imprimés dans le Grand-Duché de Luxembourg, soit dans un bulletin communal distribué périodiquement à tous les ménages ».

 

Ceci a des conséquences non négligeables : Le tiers intéressé, voisin d’un projet immobilier par exemple, ayant acquis au surplus la qualité de réclamant, ne se voit plus informé de l’état d’avancement de la procédure, il ne reçoit aucune motivation quant au rejet de sa réclamation, le conseil communal n’ayant suivant la jurisprudence pas d’obligation à cet égard (C.A., 29 janvier 2015, n° 35429C du rôle), enfin, il ne se voit même plus informé directement de la décision finale, par la voie de la notification individuelle, mais uniquement par la voie de la publication, dans le meilleur des cas, dans deux journaux publiés ou imprimés au Luxembourg.

 

Or, cette information du réclamant constitue le point de départ du délai de recours contentieux contre le PAP, l’article 16 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives disposant que le délai d’introduction d’un recours contre un acte administratif réglementaire est de trois mois à partir de la publication de l’acte attaqué, ou à défaut de publication, de la notification ou du jour où le requérant en a eu connaissance. Il s’ensuit que, dans la plupart des cas, sauf à suivre scrupuleusement les étapes de la procédure d’adoption du PAP (qui peut s’étaler sur plusieurs mois, voire années), le réclamant risque de manquer le délai imparti pour interjeter un recours contre la décision d’approbation et contester le rejet de sa réclamation.

 

L’évolution qu’a connue la législation sur l’aménagement communal, et que connait par ailleurs la jurisprudence actuelle des juridictions administratives, tel qu’il sera développé par la suite, va dans le sens inverse de l’évolution au niveau du droit international et dans les pays voisins. L’action des pouvoirs publics n’est plus entrevue comme étant au service de l’administré, l’administration se méfiant de l’administré. Ce faisant, elle vise à réduire autant que faire ce peut les possibilités de contestation, ce qui est sans nul doute contraire à l’esprit de textes tels la Convention d’Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui consacre notamment le droit à un recours effectif.

 

Dans ce contexte difficile, la dernière évolution de la jurisprudence des juridictions administratives a des conséquences tragiques. Suivant l’article 95 de la Constitution luxembourgeoise, « [l]es cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois ». Cette disposition consacre ce que l’on appelle l’exception d’illégalité. Elle permet à une personne intentant une action de solliciter du juge saisit qu’il écarte l’application d’un règlement qui serait entaché d’illégalité, afin d’en tirer des conséquences de droit pertinentes pour la résolution du litige. Ainsi, en principe, une personne peut introduire un recours en annulation contre une autorisation de construire, et, dans ce cadre, requérir le contrôle du juge quant à la légalité du plan d’aménagement particulier sur base duquel l’autorisation de construire à été délivrée.

 

Vu la difficulté d’être désormais informé, en tant que réclamant, de l’approbation d’un plan d’aménagement particulier et par conséquent, vu la difficulté de pouvoir introduire un recours en temps utile contre ledit PAP, l’article 95 de la Constitution pourrait constituer une balise permettant d’assurer le respect des principes d’un Etat de droit. Cela n’est cependant pas la position récente des juridictions administratives.

 

Dans le cas d’espèce, une copropriétaire, voisine d’un projet immobilier, a introduit un recours en annulation devant le tribunal administratif contre plusieurs autorisations délivrées en application d’un PAP auparavant contestée par elle, en faisant valoir que le PAP sur base duquel le permis de bâtir avait été octroyé, était entaché d’une illégalité. Elle sollicita partant que le tribunal administratif analyse cette illégalité affectant le PAP et en tire les conclusions de droit qui s’imposent.

 

Le tribunal administratif pris position comme suit :

 

« si l’exception d’illégalité, qui tient en échec le principe de l’intangibilité des actes administratifs devenus définitifs, est perpétuelle, en ce sens qu’elle peut être invoquée à toute époque, sans être enfermée dans un délai quelconque, contrairement au recours direct qui doit être introduit dans les trois mois de la publication du règlement, il ne saurait toutefois être admis qu’un administré, qui non seulement disposait d’une voie de recours directe contre un règlement lui faisant grief, mais qui a encore et surtout participé à la procédure d’élaboration dudit règlement, en profitant, comme en l’espèce, des possibilités de réclamations lui ouvertes par l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937, précitée et qui a vu ses réclamations in fine rejetées par le ministre compétent, omette d’intenter le recours direct lui ouvert à l’encontre de cette décision à caractère réglementaire, pour ensuite contourner l’autorité de chose décidée dont est revêtue a priori cette décision en s’emparant d’actes quelconques d’exécution du règlement en cause - qui ne lui font pas grief, opinion que le tribunal conserve en dépit de l’arrêt de la Cour administrative du 23 mai 2013, la demanderesse n’ayant en effet avancé ni un quelconque préjudice concret et retraçable en relation avec les autorisations de bâtir déférées, ni un quelconque moyen directement relatif à ces mêmes autorisations – pour soulever l’exception d’illégalité du PAP ayant fait l’objet de l’approbation ministérielle en cause.

 

Il n’était en effet pas dans les intentions des auteurs du projet de loi ayant introduit dans l’ordre juridique luxembourgeois le recours contentieux direct contre les actes réglementaires « de laisser à l’administré le choix d’agir soit par voie d’exception, soit par voie principale contre une norme réglementaire  », l’exception d’illégalité devant certes rester la règle, alors que la voie directe ne serait à utiliser que dans les cas où l’exception d’illégalité ne peut être utilement invoquée, tel que notamment lorsque l’acte réglementaire se suffit à soi-même, sans nécessité d’acte administratif individuel d’exécution. A contrario, lorsque comme en l’espèce l’administré s’est engagé directement dans une procédure pré-contentieuse laquelle a abouti à une décision à caractère réglementaire comportant un double volet, à savoir, d’une part, la décision du ministre de l’Intérieur approuvant la délibération du conseil communal en lui conférant force obligatoire et, d’autre part, la décision du ministre de l’Intérieur statuant sur les réclamations présentées par l’administré, de sorte qu’il s’est vu opposer un acte réglementaire lui faisant directement grief, il ne saurait invoquer postérieurement l’exception d’illégalité après avoir omis de rechercher directement l’annulation de cet acte réglementaire.

 

Admettre le contraire reviendrait en effet, à pousser une telle logique à son paroxysme, à permettre qu’un administré n’ayant pas obtenu gain de cause dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre un acte réglementaire, puisse contourner l’autorité de chose jugée dont profiterait la décision de justice l’ayant définitivement débouté, en soumettant à nouveau ses mêmes griefs au juge administratif par la voie de l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre d’un acte d’exécution individuel quelconque du règlement en question.

 

Le recours tel qu’introduit par Madame ..., reposant sur le seul moyen l’exception d’illégalité du PAP gisant à la base des autorisations décernées, exception d’illégalité articulée en plusieurs volets, doit dès lors être rejeté au fond pour se heurter à l’autorité de chose décidée dont est a priori revêtue l’approbation ministérielle ainsi que les deux délibérations du conseil communal ayant notamment rejeté ses réclamations.

 

Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation de la demanderesse qu’elle n’aurait pas pu déposer de recours contre l’approbation du ministre de l’Intérieur du 7 août 2006, alors que cette décision ne lui aurait pas été notifiée directement et que ladite décision n’aurait pas été publiée avec la mention des différentes réponses apportées par le ministre de l’Intérieur à ses réclamations, de sorte qu’elle n’aurait pas été à même de connaître les chances de réussite d’un recours contre cette décision, et finalement que cette décision ne comportait aucun caractère décisionnel relatif à l’inclusion d’une zone verte dans le périmètre du PAP alors que le ministre de l’Intérieur n’était pas compétent pour approuver une telle décision.

 

En effet, d’une part, il convient de rappeler que conformément à l’article 82 de la loi communale du 13 décembre 1988, les règlements du conseil communal ou du collège des bourgmestre et échevins sont toujours uniquement publiés par voie d’affiche, laquelle doit seulement mentionner l’objet du règlement, la date de la décision par laquelle il a été établi et, le cas échéant, de son approbation par l’autorité supérieure, le texte complet du règlement étant à la disposition du public, à la maison communale, où il peut en être pris copie sans déplacement, le cas échéant contre remboursement et, de seconde part, de constater que Madame ... disposait bien de la décision complète du ministre de l’Intérieur du 7 août 2006, la demanderesse l’ayant versée en annexe de sa requête introductive d’instance. » (T.A., 10 mars 2014, n° 29561a du rôle, confirmé par C.A., 7 octobre 2014, n° 34376C du rôle).

 

Si l’on peut comprendre les motifs d’opportunité qui sous-tendent les décisions précitées des juridictions administratives, dans les circonstances bien précises du cas sus-énoncé, il est à craindre que cette jurisprudence soit appliquée sans distinction, y compris dans des hypothèses où un réclamant n’aura légitimement pas été en mesure de porter un recours direct à l’encontre de l’acte administratif réglementaire que constitue le PAP, dont il découvrirait l’approbation uniquement au travers des autorisations de bâtir délivrées sur base de celui-ci. Par ailleurs, cette jurisprudence n’est pas exempte de tout reproche du point de vue juridique. Loin de là.

 

En effet, admettre la thèse du tribunal administratif revient à limiter le champ d’application de l’article 95 de la Constitution. Il est en premier lieu douteux que cette interprétation de la Constitution se soit affranchie d’un passage obligatoire à la Cour Constitutionnelle, via une question préjudicielle. En second lieu, l’on notera que cette interprétation se base sur « les intentions des auteurs du projet de loi ayant introduit dans l’ordre juridique luxembourgeois le recours contentieux direct contre les actes réglementaires ». Or, ceci revient à interpréter la Constitution à la lumière de la loi, ce qui est difficilement conciliable avec le principe de hiérarchie des normes (Jérome MARTENS, La charte de l’assuré social, le privilège du préalable et la décision administrative exécutoire, Chron. D.S., 2006, p. 573). Enfin, il échet de s’interroger si l’exception d’illégalité d’un règlement n’est pas d’ordre public de sorte à devoir être soulevée le cas échéant d’office par le juge. Suivant cette acceptation, la circonstance qu’un requérant n’ayant pas introduit de recours direct contre un acte réglementaire ne pourrait plus invoquer l’exception d’illégalité serait sans pertinence, puisque le tribunal devrait de toute façon soulever d’office cette question.

 

La position des juridictions administratives (il serait également opportun d’analyser la pertinence juridique de l’exception dite « omisso medio », qui mériterait néanmoins un article séparé), ensemble avec les suppressions des dispositifs permettant la participation des citoyens au processus d’élaboration des plans d’aménagement, ne suivent pas l’évolution qui devrait être celle d’un Etat de droit.

 

Pareille réflexion pourrait être menée au niveau de l’aménagement du territoire.

 

Dans le cadre de la loi modifiée du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, le Législateur a finit par concéder au Conseil d’Etat l’organisation d’une enquête publique dans le cadre de l’adoption des plans directeurs sectoriels et des plans d’occupation du sol (Doc. Parl. n° 6124). La Haute Corporation estimait en effet qu’au vu des limitations parfois incisives au niveau du droit de propriété que pouvaient comporter ces plans, la participation au processus décisionnel des personnes concernés s’imposait.

 

En contrepartie, des « procédures allégées », sans enquêtes publiques, ont été instituées pour les « modifications ponctuelles » de ces plans. La tentation serait bien entendu grande que d’argumenter qu’une modification n’est que « ponctuelle », en vue de dispenser la procédure d’une enquête publique encombrante.

 

La loi précitée prévoit qu’est considérée comme ponctuelle l’adaptation du plan sur un ou plusieurs points précis sans mettre en cause la structure générale ou les orientations et objectifs du plan concerné et sans aggraver les servitudes qu’il a introduites ni ajouter des servitudes nouvelles pour le domaine communal et les propriétés privées (articles 10 et 15 de la loi précitée). Cette définition pour le moins floue laisse la porte ouverte à de multiples interprétations.

 

Un exemple récent témoigne de ce constat.

 

Le plan d’aménagement partiel (que l’on peut assimiler à un « ancêtre » des plans d’occupation du sol) arrêté par le Conseil de Gouvernement en date du 4 août 1978 et déclaré obligatoire par le règlement grand-ducal du 25 août 1978 déclarant obligatoire le plan d’aménagement partiel portant création de zones industrielles à caractère national dans le sud du pays, vient de faire l’objet d’une telle modification ponctuelle, ayant abouti à un règlement grand-ducal du 3 juillet 2015.

 

Suivant l’exposé des motifs du règlement précité, il s’agissait d’abroger le plan d’aménagement partiel précité, pour cinq parcelles, en vue de permettre sur ces terrains l’implantation d’un « supermarché de la grande distribution luxembourgeoise ». Dans son avis, le Conseil d’Etat fit observer tout d’abord qu’ « il faut s’interroger sur la légalité d’une modification du plan d’aménagement partiel de 1978 et assimilé à un plan d’occupation du sol en vertu de l’article 28 de la loi précitée du 21 mai 1999, alors que, contrairement à la loi de 1999, la loi de 2013 prévoit certes le maintien en vigueur des plans d’occupations du sol arrêtés sous celui de la loi de 1999, mais reste muette sur la possibilité de procéder à des modifications des plans venus à existence avant sa prise d’effets, contrairement aux dispositions explicites de la loi précitée du 21 mai 1999. Le Conseil d’Etat note encore que le Gouvernement a pris l’initiative dans le cadre du projet de loi modifiant la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire (doc. Parl. n° 6694) d’ajouter une disposition (cf. art. 3 du projet de loi) prévoyant formellement la possibilité de modifier ou d’abroger les plans en question, précisément avec l’argument qu’il s’agit en la matière d’éviter toute insécurité juridique. Dans les conditions données, le Conseil d’Etat entend réserver sa position sur la légalité de la modification prévue qui lui semble problématique en l’absence de la précision textuelle en projet ».

 

Concernant la procédure allégée suivie, sans enquête publique, le Conseil d’Etat nota que le dossier lui soumis ne contenait guère d’éléments d’information lui permettant d’établir si les conditions légales étaient réunies pour justifier le recours à cette procédure sans enquête publique.

 

Nonobstant les réserves de la Haute Corporation, la modification ponctuelle du plan d’aménagement partiel précité fut toutefois déclarée obligatoire par règlement grand-ducal.

 

Cette affaire pose légitimement la question de l’étendue du pouvoir d’appréciation du gouvernement en conseil quant à la nature ponctuelle ou non d’une modification d’un plan directeur sectoriel ou d’un plan d’occupation du sol, sachant que la différence pour l’administré directement touché par cette modification est radicale, puisque dans un cas il pourra faire valoir ses observations en amont, et dans un autre cas non. En l’espèce, de part l’abrogation du plan, les affectations admissibles sur les terrains concernés s’en trouvaient modifiée, de sorte que l’on ne saurait, à mon estime, considérer que la modification est ponctuelle.

 

Il en serait de même dans l’hypothèse où un plan directeur sectoriel, classant un terrain dans une zone verte, serait abrogé afin de permettre l’urbanisation sur cette parcelle. Il est difficilement concevable que cette modification puisse être effectuée sans participation des tiers intéressés.

 

Cette problématique, qui se posera inévitablement de manière plus fréquente à l’avenir, illustre les tiraillements entre le souci des pouvoirs publics de se ménager des moyens d’action efficaces et rapides d’une part, et le souci de faire participer les administrés au processus décisionnel d’autre part, avec pour conséquence qu’actuellement, les garanties d’un Etat de droit s’en trouve amoindries.

 

Par Me Sébastien COUVREUR

Avocat à la Cour

 

 

 

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