Droit immobilier

[Jurisprudence administrative : juin à août 2020]

[Jurisprudence administrative – juin à août 2020]

 

 

Plan d’aménagement général et règlement sur les bâtisses

 

Plan d’aménagement général – objectifs – articles 5 et 6 de la loi du 19 juillet 2004 - « Le plan d’aménagement général est un ensemble de prescriptions graphiques et écrites à caractère réglementaire qui se complètent réciproquement et qui couvrent l'ensemble du territoire communal qu’elles divisent en diverses zones dont elles arrêtent l’utilisation du sol. ». L’article 6 continue en disposant que : « Le plan d'aménagement général a pour objectif la répartition et l'implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu'il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ». La fonction du PAG se résume donc à diviser le territoire communal en différentes zones et à arrêter l’affectation de ces zones. » – TA 8 juin 2020, rôle 40549.

 

Plan d’aménagement général – Ville de Luxembourg – zone de servitude « urbanisation – éléments naturels » - zone de verdure – zone de jardins familiaux – annulation partielle – « Le tribunal est amené à conclure qu’il n’est pas cohérent, au regard des objectifs prévus par l’article 2 a) et e) de la loi du 19 juillet 2004 et l’article 1er de la loi du 19 janvier 2004, d’un côté, de classer, au motif desdites conclusions de la SUP, une partie de ce même ensemble continu de structures boisées en « zone de servitude « urbanisation – éléments naturels » », de sorte à soumettre à une interdiction de principe toute destruction ou réduction des éléments boisés compris dans l’emprise territoriale de cette zone et, d’un autre côté, de reclasser une autre partie de cet ensemble, directement adjacente à la première partie, d’une « zone de verdure », partant d’une zone non aedificandi, en « zone de jardins familiaux », admettant « (…) des constructions légères en relation directe avec la destination de la zone, par exemple gloriettes, piscines ou bassins non couvert(es) ainsi qu’un abri de jardin par lot ou parcelle individuelle (…) », ainsi que « (…) l’aménagement d’accès carrossables et autres accès (…) », soit des constructions et aménagements définis moins restrictivement que ceux admissibles en « zone de verdure » en vertu de l’article 21 de la partie écrite du PAG et qui impliquent, en principe, la destruction, du moins partielle, des éléments boisés couvrant la parcelle litigieuse. […]Le tribunal retient que les décisions déférées encourent l’annulation pour erreur manifeste d’appréciation, dans l’unique mesure où elles ont classé la parcelle portant le numéro cadastral ... en « zone de jardins familiaux », conformément à la maxime « potius ut valeat quam ut pereat », en vertu de laquelle il y a lieu de faire valoir pour autant que possible les dispositions réglementaires prises plutôt que de les voir périr. » - TA 29 juin 2020, rôle 40583.

 

 

Plan d’aménagement général – Ville de Luxembourg – SUP incomplète-  rapport sur les incidences environnementales – article 5 f) de la loi du 22 mai 2008 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnementarticle 6(1) de la loi du 22 mai 2008procédure PAG vicié – annulation partielle « Le tribunal déduit de ces considérations que les renseignements litigieux – portant sur des espèces animales dont la présence sur le site concerné était avérée avant l’adoption du PAG, qu’il était possible d’obtenir avant cette dernière et qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur les classements du site, eu égard au caractère protégé des espèces en question – ne sauraient être considérés comme des informations qui ne pouvaient être raisonnablement exigées, compte du contenu et du degré de précision du plan ou du programme, du stade atteint dans le processus de décision ou du fait qu’il peut être préférable d’évaluer certains aspects à d’autres stades de ce processus afin d’éviter une répétition de l’évaluation, au sens de l’article 6 (1) de la loi du 22 mai 2008, pour le seul motif que ces informations pourraient être fournies dans le cadre de l’adoption ultérieure d’un PAP. En effet, dans la mesure où l’affectation des différentes zones est déterminée par le PAG, sans pouvoir être modifiée ultérieurement par le PAP, lequel se limite à préciser et à exécuter le PAG en fixant concrètement les règles urbanistiques applicables sur les parcelles qu’il couvre, il importe que les effets notables probables sur l’environnement de l’affectation projetée soient, dans la mesure du possible, évalués dès avant l’adoption du PAG, pour que les autorités compétentes puissent décider de ladite affectation en connaissance de cause et que les administrés puissent utilement influer sur cette décision dans le cadre de la procédure d’aplanissement des différends. » - TA 13 juillet 2020, rôle 40585, voir également TA 13 juillet 2020, rôle n°40571.

 

 

Plan d’aménagement particulier

 

Plan d’aménagement particulier – objectifs – art.5 et 6 de la loi du 19 juillet 2004 - Quant à l’objectif du PAP, il ressort de l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004 que : « Le plan d’aménagement particulier précise et exécute les dispositions réglementaires du plan d’aménagement général concernant une zone ou partie de zone. ». Le PAP se définit donc comme instrument réglementaire d’exécution et de précision du PAG dont la fonction est de fixer les prescriptions urbanistiques applicables aux zones déterminées par le PAG – TA 8 juin 2020, rôle 40549

 

 

Plan d’aménagement particulier – procédure d’adoption – procédure précontentieuse – art. 30 de la loi du 19 juillet 2004 – épuisement procédure précontentieuse pour recours TA « Ainsi, l’article 30, alinéas 5 et 6 de ladite loi du 19 juillet 2004 prévoit que le projet d’aménagement particulier fait l’objet d’une publication, comprenant, notamment, le dépôt du projet pendant trente jours à la maison communale où le public peut en prendre connaissance, ainsi que des mesures de publicité de ce dépôt. L’alinéa 8 de l’article 30, précité, de la loi du 19 juillet 2004 prévoit que « Dans le délai de trente jours de la publication du dépôt du projet dans les quatre quotidiens publiés et imprimés au Grand-Duché de Luxembourg, les observations et objections contre le projet doivent, sous peine de forclusion, être présentées par écrit au collège des bourgmestre et échevins par les personnes intéressées. », tandis que l’alinéa suivant de la même disposition légale précise que le projet est ensuite soumis par le collège échevinal, avec, notamment, les observations et les objections, au vote du conseil communal, régi par les alinéas 10 et 11 dudit article 30, étant encore précisé que la décision du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement particulier est, par la suite, soumise au ministre pour approbation, en vertu de l’alinéa 12 de l’article 30, précité, de la loi du 19 juillet 2004. – TA 8 juin 2020, rôle 40549. »

 

Plan d’aménagement particulier – acte administratif – caractère réglementaire – liberté de déterminer les règles urbanistiques – impossibilité de créer de nouvelles zones « Il suit de la logique inhérente à ce système qu’à l’intérieur des zones retenues par le PAG, le PAP est libre de déterminer les règles urbanistiques pour autant qu’il respecte les dispositions normatives relatives à la fixation des règles urbanistiques ainsi que les dispositions du PAG lui-même. Aucune disposition légale n’impose à cet égard au PAP de fixer des règles urbanistiques uniformes applicables à l’intérieur de l’intégralité d’une zone, de même qu’aucune disposition légale n’interdit au PAP de retenir différentes règles urbanistiques applicables à l’intérieur d’une même zone. Bien au contraire, l’article 25 précité de la loi du 19 juillet 2004 précise expressément que le PAP précise et exécute les dispositions réglementaires du PAG concernant une zone ou « partie de zone - TA, 8 juin 2020, rôle n°40549. »

 

Plan d’aménagement particulier – critère du classement – parcelle viabilisée – pouvoir discrétionnaire du conseil communal – pouvoir du juge – erreur manifeste d’appréciation – «Il suit encore des dispositions légales qui précèdent que la décision de définir des zones soumises à l’obligation d’élaborer un PAP QE relève d’un pouvoir discrétionnaire du conseil communal dans la mesure où les communes disposent de la faculté mais non point de l’obligation de définir de telles zones dans leur plan d’aménagement général, conformément à l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004.

La désignation relève donc d’un choix d’opportunité politique qu’il n’appartient pas au tribunal de vérifier sauf à être affecté d’une erreur manifeste d’appréciation.-TA, 8 juin 2020, rôle n°40558. » 

 

 

Plan d’aménagement particulier – ville de Luxembourg – plan de repérage - emprise territoriale du PAP-QE – zone mixte urbaine superposée au secteur « protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » - contrariété à la partie graphique du PAG – violation de l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004 - annulation partielle – décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 :

« Si cette modification des délimitations, en ces lieux, de la « zone mixte urbaine », superposée du « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit » – C », est reflétée par le plan de repérage « PAP QE 3 – Centre Est », aux termes duquel la partie litigieuse de la parcelle ... est soumise au PAP « quartier existant » du « secteur protégé ... », tel n’est pas le cas de la partie graphique de ce dernier. Ce PAP étant censé exécuter, notamment, le « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit » – C » prévu par le PAG sur l’ensemble de parcelles délimité à l’ouest par la Place ..., au sud par … et à l’est par la rue ... – le ministre ayant, d’ailleurs, expressément décidé dans le cadre de sa décision d’approbation du PAG que la partie reclassée de la parcelle litigieuse était « (…) soumis[e] au plan d’aménagement particulier « quartier existant » intitulé [SPR-cl] (…) » –, la partie graphique de ce même PAP, en ce qu’elle ne respecte pas la délimitation géographique de ce secteur protégé au niveau de la parcelle ..., telle qu’arrêtée par la partie graphique du PAG, n’est pas conforme à ce dernier, de sorte à violer l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004. »- TA 22 juin 2020, rôle 40658.

 

 

Droit de propriété

 

 

Attribut de la propriété – article 16 de la Constitution – règles urbanistiques fixées par le PAP-QE - absence de changement d’affectation « Ainsi, au vu de la solution dégagée par la Cour constitutionnelle, il y a lieu de vérifier en l’espèce si les règles urbanistiques fixées par le PAP QE implique un changement dans les attributs de la propriété de la demanderesse à tel point substantiel qu’elles privent celle-ci d’un de ses aspects essentiels. Or, si l’intégration par le PAP QE des parcelles de la demanderesse en secteur [HAB-1•m] affecte certes le droit de propriété de la société demanderesse, qui est notamment limitée par les règles urbanistiques de construction en cas de démolition et de reconstruction d’une nouvelle construction sur les parcelles litigieuses, elle n’est toutefois pas privée de sa propriété et ledit classement ne fait qu’apporter des limitations au droit d’usage de sa propriété, de sorte que parmi les trois attributs classiques du droit de propriété seul l’« usus » est affecté puisqu’il est désormais encadré, sans pour autant être atteint dans sa substance – dans la mesure où à part certaines limitations, la demanderesse reste libre de décider de l’affectation de sa parcelle -, tandis que l’ « abusus » et le « fructus » restent intact. Il s’ensuit que les règles urbanistiques fixées par le PAP QE n’entravent pas les attributs du droit de propriété d’une manière telle que la limitation opérée puisse être qualifiée d’équivalente à une expropriation. Les règles en question ne sont dès lors pas à considérer comme expropriation et ne tombent par conséquent pas dans le champ d’application de l’article 16 de la Constitution - TA, 8 juin 2020, rôle n°40549. »

 

Droit de préemption – articles 28 et 57 de la loi communale – compétence pour l’exercice du droit de préemption – « le conseil communal est compétent, sur le fondement de l’article 28 de la loi communale, pour exercer le droit de préemption en application de la loi Pacte logement, cette analyse étant encore confortée par les dispositions de l’article 106 de la loi communale, qui soumet à l’approbation du ministre de l'Intérieur justement les délibérations des conseils communaux portant sur les acquisitions d’immeubles dépassant une certaine valeur, de sorte qu’il y a lieu d’admettre que dans l’esprit du législateur, le conseil communal est compétent pour les acquisitions immobilières - TA, 22 juillet 2020, rôle n°42595. »

 

Monuments nationaux – inscription à l’inventaire supplémentaire – critères d’appréciation – article 17, alinéa 1er de la loi du 18 juillet 1983 – insuffisance des faits et considérations – annulation décision ministérielle« les considérations architecturales, esthétiques et sociales mises en balance par la partie étatique apparaissent être essentiellement théoriques et abstraites, d’une généralité telle que leur consécration justifierait la préservation d’innombrables bâtisses présentant un caractère rural construites à la même époque, sans que le tribunal ne dénote des éléments individualisées d’une exceptionnalité particulière conférant à la maison litigieuse le cachet d’un type architectural caractéristique ou d’une valeur historique justifiée – TA, 22 juillet 2020, rôle 42612 ( voir également dans ce sens TA, 1er juillet 2020, rôle n°41530. »

 

 

Autorisations de construire

 

Intérêt du voisin – amoindrissement de vue et d’ensoleillement« Le requérant doit justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir l’annulation de l’acte qu’il attaque, le juge administratif devant seulement avoir égard à ce que le demandeur avance à ce sujet, dès lors qu’il lui appartient de démontrer son intérêt. […]les consorts ... se prévalent non seulement d’une vue directe sur la construction litigieuse ainsi que d’une perte de luminosité, mais également de contraintes et de désagréments au vu de la proximité et du volume de la construction litigieuse affectant directement leur droit de propriété ainsi que leur qualité de vie » - TA, 3 juin 2020, rôle 42363.

 

Autorisation de construire – plans – notion de construction accolée – distinction entre construction accolée / extension de la construction principale - « cette notion s’applique à des constructions légères, ou du moins à un accessoire au bâtiment principal, de dimensions plus réduites que la construction principale, de sorte à viser «  des éléments de construction qui sont détachables de la construction principale, ce critère permettant, en effet, de distinguer une construction accolée d’une extension de la construction principale. Ainsi, la construction principale doit pouvoir exister isolément si la construction accolée, telle qu’une annexe, était enlevée, ce qui exclut toute imbrication de cette construction à la construction principale » - Ordonnance référé TA, 15 juin 2020, rôle 44494.

 

 

Implantation d’un mur de soutènement – limites du recul postérieur – rampe d’accès – « ce mur n’est pas à prendre en considération pour le calcul du recul postérieur, un mur de soutènement n’étant de façon évidente pas à considérer comme un ouvrage destiné au séjour prolongé de personnes ou à l’exercice d’une activité professionnelle » - TA, 17 juin 2020, rôle 43215.

 

 

Procédure administrative contentieuse

 

Recevabilité – qualité – partie défenderesse ou tiers intéressée – défaut de signification – caducité du recours pris dans son intégralité ? « Force est au tribunal de constater qu’aux termes de cet arrêt de la Cour administrative [9 juin 2016,rôle n°37543C] ce n’est que dans le cas spécifique où le demandeur opte pour attaquer conjointement les décisions d’adoption et d’approbation, prises respectivement par les autorités communale et ministérielle dans le cadre de l’élaboration d’un PAG, et choisit ainsi de les considérer comme un tout, que les deux autorités émettrices sont à considérer comme parties défenderesses et que le recours doit être signifié à chacune d’elles, sous peine de caducité, dans le délai d’un mois à compter du dépôt du recours . » -TA, 3 juin 2020, rôle 41477.

 

Recevabilité (non) -vote du conseil communal – nature juridique - article 10 de la loi du 19 juillet 2004décision CA 15 décembre 2016, rôle n°38139C - mise sur orbite – feu vert donné au CBE – acte préparatoire ne faisant pas grief« une telle « mise sur orbite », respectivement un tel « feu vert », qui n’emporte aucune adoption ou approbation du projet d’aménagement général, mais qui traduit le seul constat du conseil communal que le projet est suffisamment élaboré pour que le collège des bourgmestre et échevins puisse continuer la procédure, ne fait que préparer l’adoption ultérieure de ce projet, sans être susceptible de produire par elle-même, respectivement par lui-même des effets juridiques sur la situation personnelle ou patrimoniale des administrés, de sorte à constituer, non pas un acte administratif de nature à faire grief, mais un simple acte préparatoire ne pouvant, en tant que tel, faire l’objet d’un recours contentieux »TA, 4 juin 2020, rôle 40601.

 

 

 

 Sarah BURLET

Me Sébastien COUVREUR - Avocat à la Cour.

 

 

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