Droit immobilier

[Covid-19] Nouveaux ajustements dans les suspensions des délais de procédure - Quels impacts en droit administratif ?

 

 

[Covid-19] Nouveaux ajustements dans les suspensions des délais,

Quels impacts en droit administratif ?


1. Brefs rappels           

 

Dans des articles précédents, nous avions commenté l’ « état de crise » qui a été décrété, ainsi que les suspensions et prorogations des délais en droit de l’urbanisme dérogatoires aux lois existantes[1], instaurées par différents règlements grand-ducaux (RGD), pris par le Gouvernement sur base de ces pouvoirs extraordinaires.

 

Ainsi, pour rappel, suivant un RGD du 25 mars 2020 (modifié par la suite par un RGD du 1ier avril), les délais prescrits  « dans » les procédures devant les juridictions administratives sont suspendus (cfr. art. 1, paragraphe 1 du RGD précité).

 

Ont  été prorogés – via ledit RGD modificatif du 1ier avril[2] - les délais d’introduction des procédures en première instance, ainsi que les voies de recours ordinaires et extraordinaires à l’encontre des ordonnances, jugements et arrêts (cfr. art. 1, paragraphe 2 du RGD précité).

 

Pour rappel toujours, un autre RGD du 25 mars 2020, suspend, lui,  les délais de publications et de réclamations à l’encontre des projets de PAG et PAP. Ce RGD suspend également - suite à sa modification par un RGD modificatif du 1ier avril [3] - le délai de péremption des permis de construire.

 

2. Nouveautés


Deux nouveaux RGD, du 10 avril 2020, viennent, encore, modifier les RGD du 25 mars 2020 précités[4].

 

a) Ainsi, un premier RGD (« portant modification du RGD modifié du 25 mars 2020 portant introduction de mesures relatives à la validité des cartes d’identité et aux délais en matière d’aménagement communal et de développement urbain dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 »[5])  contient un 1ier article (ajoutant un article 4 au RGD initial précité,  du 25 mars 2020), lequel suspend le délai octroyé aux tiers pour l’inspection des plans relatifs aux autorisations de construire (prévu à l’article 37, paragraphe 6 de la loi modifiée du 19 juillet 2004).

 

Notons qu’a priori cette suspension n’empêche ni les administrés de solliciter copie de ces plans pendant cette période de suspension, ni à l’administration d’y faire droit et de délivrer copie de ces plans (pour autant que cela soit matériellement, financièrement et humainement réalisable, sans engendrer des désagréments disproportionnés).

 

Ceci d’autant plus que, vraisemblablement, les délais contenus dans la loi sur la transparence administrative (loi modifiée du 14 septembre 2018) ne sont, eux, et pour l’heure, pas suspendus. Ainsi, notamment, n’est pas suspendu le délai de principe d’un mois maximum accordé à l’administration pour mettre les documents à disposition du demandeur[6]. Corrélativement, le délai d’un mois accordé aux administrés qui voient leur demande être refusée pour saisir la Commission d’accès aux documents, en vue de solliciter un avis sur ledit refus, n’est pas, non plus, suspendu.

 

Par ailleurs, un article 2 de ce nouveau RGD vient ajouter un article 5 audit RGD initial, et fait suspendre le délai de recours devant les juridictions prévu à l’article 37, paragraphe 7 de la loi modifiée du 19 juillet 2004, et ce pendant la durée de l’état de crise (lequel article 37 fait normalement courir le délai de recours devant les juridictions administratives à compter de l’affichage du certificat « point rouge »).

 

Cette disposition – en ce qu’elle suspend (depuis le début de l’état de crise) le délai d’introduction des recours à l’encontre des autorisations de bâtir –  déroge à l’article 1er, paragraphe 2 de l’autre  RGD du 25 mars 2020 précité (portant suspension des délais en matière juridictionnelle et adaptation temporaire de certaines autres modalités procédurales, tel que modifié par un RGD du 1ier avril) qui proroge  (mais ne suspend pas) les délais d’introduction.

 

Ce RGD du 10 avril 2020 entre en vigueur avec effet rétroactif au 25 mars 2020. La ministre de l’Intérieur a en outre publié  une circulaire du 2 avril 2020[7].

 

b) Par ailleurs, un autre RGD de ce 10 avril 2020 (portant, lui,  « suspension de certains délais en matière d’aménagement du territoire ») a été publié[8] et, par son article 1ier, suspend des délais relatifs à la procédure d’élaboration des plans directeurs sectoriels (suspension des délais prévus à l’article 12, paragraphe 2, alinéas 3, 4 et 5 et aux paragraphes 4 et 5 de la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire).

 

Cette suspension arrête temporairement le cours du délai sans effacer le délai déjà couru. Elle ne concerne pas les plans d’occupation du sol.

 

Les suspensions pré-décrites poursuivent un but louable.

 

Néanmoins, en l’état, nous ne pouvons qu’exprimer notre prudence tant, désormais, les RGD se sont multipliés et ont fait l’objet de maintes modifications. Ainsi, notamment, certaine incertitudes planent puisque certaines suspensions commencent à compter au jour de la déclaration de l’état de crise, d’autres à compter de l’entrée en vigueur du RGD qui instaure cette suspension (et ce alors mêmes que les RGD se sont multipliés, et que certains entrent en vigueur avec effet rétroactif, d’autres au jour de leur publication, d’autres encore au lendemain,…). Certains délais, eux, ne sont pas suspendus, mais prorogés... Cette complication administrative risque, on le redoute, d’entrainer des situations confuses.

 

 

Me Elie Dohogne, Avocat Liste IV

Me Sébastien COUVREUR, Avocat à la Cour, Partner

 

 



[8] http://www.legilux.lu/eli/etat/leg/rgd/2020/04/10/a278/jo , lequel suspend les délais prévus à l’article 12 de la loi du 17 avril 2018 :  http://www.legilux.lu/eli/etat/leg/loi/2018/04/17/a271/jo

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