Droit immobilier

Le droit de visite du bailleur fixé judiciairement et les difficultés d’exécution

Me Romain BUCCI

       

  Le droit de visite du bailleur fixé judiciairement et les difficultés d’exécution

 

Le bailleur veut faire visiter son bien en vue d'une vente. Mais le locataire refuse l'accès à l'immeuble (il s'y oppose matériellement - par exemple s'il a fait apposer une nouvelle serrure). Comment procéder ?

 

L’article 24 de la loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation prévoit que le juge de paix peut prendre par ordonnance toutes les mesures provisoires et rend applicable les articles 15, 16 et 17 du Nouveau Code de Procédure civile.

 

Suivant les dispositions de l’article 15 du Nouveau Code de Procédure Civile, le juge de paix peut, dans tous les cas d’urgence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

 

De même, le juge de paix peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesse un trouble manifestement illicite.

 

Une demande de droit de visite est une mesure urgente (Justice de paix de et à Luxembourg, 18 décembre 2002 ; Justice de paix de et à Luxembourg, 5 décembre 2005, n°4980/05).

 

Ce droit de visite est en principe réglé par les clauses contractuelles quant à son champ d’application et quant à ses modalités, mais si rien n'y est fixé, l'intervention du juge s'impose. Par ailleurs, même en présence d'une clause contractuelle, il se peut que le locataire fasse obstacle au droit de visite contractuellement fixé.

 

Il convient de rappeler, par rapport au droit de visite, les obligations réciproques du bailleur et du locataire :

 

- Le bailleur est obligé de garantir la jouissance paisible des lieux loués de sorte qu’il ne peut pas imposer l’exercice d’un droit de visite tous les jours de la semaine dans le mesure où il existe des alternatives qui lui permettent d’exercer son droit de visite dans des conditions normales sans troubler l’activité du locataire.

 

- Le bailleur doit en outre user du droit de visite avec modération. En l’absence de stipulations contractuelles ou d’accord oral, le droit de visite doit pouvoir s’exercer deux ou trois jours non fériés, à raison de deux heures par jour (LAHAYE & VANKERCKHOVE, le louage de choses : les baux en général). Le droit de visite est alors fixé par le juge.

 

- Le locataire doit quant à lui subir le droit de visite avec courtoisie, sous peine pour ce dernier de se voir reprocher de ne pas user en bon père de famille de l’immeuble loué.

 

Dans une affaire récente, le bailleur avait demandé au tribunal à voir fixer judiciairement un droit de visite dans le cadre de la vente du bien loué alors que le contrat de bail ne prévoyait rien à ce sujet.

 

La demande du bailleur avait été déclarée fondée et le tribunal avait fixé un droit de visite au bailleur (deux jours par semaine pendant deux heures). Le bailleur avait l’obligation d’informer le locataire des visites programmées au moins 24 heures à l’avance.

 

Il s’est alors posé un problème : le locataire, bien qu’informé dans les délais impartis, a toujours refusé d’ouvrir la porte sous de vains prétextes.

 

Le bailleur, qui était pleinement dans ses droits, n’a pu exécuter la décision judiciaire lui octroyant un droit de visite dans la mesure où le tribunal ayant statué sur la demande n’a pa assorti d’une astreinte la condamnation du locataire et ce bien que demandé lors des plaidoiries (Ordonnance de référé ordinaire n°271/2017 du 10 mai 2017, Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg).


Il peut paraître dès lors surprenant que dans un contexte conflictuel, le tribunal n’accorde pas l’astreinte au bailleur et ce pour obliger le locataire à respecter les modalités du droit de visite accordé.

 

Sans contrainte et moyen de pression, un locataire pourra refuser l’accès aux lieux loués au bailleur et ce sans conséquences juridiques particulières pendant des années.

 

Il s’agit là d’une difficulté d’exécution ni plus ni moins !

 

Il est dès lors conseillé de fixer expressément le droit de visite dans le contrat de bail signé par les parties et d’y prévoir une sanction pécuniaire en cas de non respect.

 

Me Romain BUCCI

Avocat à la Cour.

           

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