Droit immobilier

Droit immobilier : état des lieux des projets de loi




Droit immobilier : état des lieux des projets de loi

 

Dans le secteur de l’immobilier, comme dans d’autres secteurs d’activité, la stabilité, la sécurité de planification, la sécurité juridique, constituent des piliers de développement.

 

Aussi, les modifications législatives trop fréquentes perturbent les professionnels et acteurs concernés, tandis qu’un temps d’adaptation s’avère nécessaire pour appréhender les nouvelles règles. Ce constat ne doit cependant pas conduire à l’immobilisme, certains ajustement de l’arsenal juridique s’avérant nécessaires, soit pour pallier aux insuffisances ou incohérences de certains mécanismes légaux ou réglementaires, soit lorsque le Législateur entend confier de nouvelles finalités (simplification administrative, objectifs sociaux, environnementaux, économiques, …) aux lois existantes.

 

Ces dernières années, de nombreux projets de loi, qui intéressent de près ou de loin le droit immobilier, ont été déposés à la Chambre des Députés, souvent à grands renforts de proclamations et de battements médiatiques, avant de retomber parfois dans l’oubli.

 

Certains de ces textes sont pourtant attendus par les professionnels du secteur immobilier, dès lors qu’ils procèdent à des avancées significatives dans plusieurs domaines (comme le projet de loi dit « omnibus », comportant à notre estime, des améliorations intéressantes dans une optique de simplification administrative, mais aussi des dispositifs plus contestables, comme l’extension du droit de préemption accordée au bénéfice aux administrations communales et au Fonds du Logement), d’autres le sont moins, voire même sont redoutés, alors qu’ils risquent de complexifier encore d’avantage la matière.

 

Au-delà des effets d’annonce, nous avons jugé opportun de faire le point sur l’état d’avancement de ces différents projets qui intéressent le droit immobilier :

 

Accès aux documents administratifs


La question du droit d’accès aux documents administratifs est actuellement réglée au travers du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

 

-          Un projet de loi n° 6540, relative à l'accès des citoyens aux documents détenus par l'administration, a été déposé à la Chambre en date du 5 février 2013. Par arrêté grand-ducal du 5 mai 2015, le projet fut retiré du rôle de la Chambre.

 

-          Un autre projet de loi, n° 6810, fut déposé en remplacement du précédent texte, en date du 5 mai 2015. L’avis du Conseil d’Etat n’a pas encore été produit à son sujet.

 

 

Aménagement du territoire


L’aménagement général du territoire est actuellement organisé au travers de la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, ayant abrogé la loi modifiée du 21 mai 1999 concernant l’aménagement du territoire.

 

Moins d’un an après son adoption, la loi de 2013 fit l’objet d’un projet de loi n° 6694, déposé à la Chambre des Députés, destiné à la corriger dans l’optique de la bonne mise en œuvre des plans directeurs sectoriels. Le projet de loi, et plus généralement la loi précitée du 30 juillet 2013, soulève des questions juridiques complexes, évoquées par le Conseil d’Etat dans son avis complémentaire du 21 juin 2016, en particulier du point de vue des rapports qui existent entre les instruments de planification au niveau communal d’une part (PAP, PAG), et ceux qui ont une portée intercommunale, voire étatique, et qui sont considérés comme hiérarchiquement supérieurs (POS, Plans directeurs sectoriels).

 

Un autre projet de loi est actuellement pendant devant la Chambre des Députés (projet n° 7065), déposé en date du 27 septembre 2016. Il vise à une refonte de la législation sur l'aménagement du territoire. Un avis fort négatif du Conseil d'Etat pris en date du 13 juin 2017 ( 18 oppositions formelles) contraint le Gouvernement a revoir largement sa copie. 

 

Bail commercial


Un projet de loi n° 6864 portant sur le bail commercial et modifiant certaines dispositions du Code civil a été déposé en date du 3 septembre 2015 à la Chambre.

 

Il a fait l’objet d’un avis du Conseil d’Etat en date du 25 mars 2016 et ne semble pas avoir évolué depuis (voir notre article sur le blog au sujet de ce projet de loi).

 

 

Contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel


Un projet de loi n° 7025 portant 1. transposition de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n °1093/2010; et 2. modification du Code de la consommation, a été déposé à la Chambre des Députés le 29 juillet 2016.

 

 

Fabriques d’église


Projet de loi n° 7037 , déposé à la Chambre des Députés en date du 29 août 2016, 1) portant sur la gestion des édifices religieux et autres biens relevant du culte catholique, 2) modifiant a) l'article 112 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, b) l'article 30ter de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l'aide au logement, c) l'article 57 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, et 3) abrogeant a)l'article 76 de la loi modifiée du 18 germinal an X (8 avril 1802) relative à l'organisation des cultes, b) le décret du 5 mai 1806 relatif au logement des ministres du culte protestant et à l'entretien des temples, c) le décret du 18 mai 1806 concernant le service dans les églises et les convois funèbres, d) le décret modifié du 30 septembre 1807 qui augmente le nombre des succursales, e) le décret modifié du 30 décembre 1809 concernant les fabriques des églises.

 

Gestion de l’eau


Le texte légal actuel est la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau.

 

Un projet de loi n° 7047 a été déposé le 31 août 2016 à la Chambre. Il vise notamment, pour ce qui concerne le secteur immobilier, à préciser la procédure d’octroi des autorisations requises, sur base de la loi précitée, de faire en sorte que l'approvisionnement de nouveaux lotissements ou zones d'activités soit considéré dès le début des phases de planification au niveau communal et à préciser quelque peu les règles applicables dans les zones à risque d’inondation.

 

 

Logement


La question du « logement » au Luxembourg regroupe de nombreuses thématiques (dispositifs favorisant la création de logements, aides à l’acquisition, aides à la construction/transformation, primes d’amélioration, performance énergétique, fiscalité, location, critères minimaux de salubrité, hygiène, habitabilité et sécurité, etc.)

 

Celle-ci se trouve réglée par une multitude de textes épars. On retrouve tout de même une partie conséquence de l’arsenal législatif en la matière dans la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, et la loi du 22 octobre 2008, dite « Pacte logement ».

 

Un projet de loi n° 7053 a été déposé le 5 septembre 2016 à la Chambre portant introduction d'une certification de la durabilité des logements et modifiant la loi précitée de 1979.

 

Il est proposé d’introduire un système de certification, facultatif, pour le secteur résidentiel (maisons unifamiliales et immeubles collectifs), intitulé « Lëtzebuerger ISIohaltegkeets-Zertifikat fir Wunngebaier (LENOZ)”.

 

Il est prévu qu’une aide financière pour l'établissement du certificat de durabilité d'un logement pourrait être accordée au propriétaire du logement sous la forme d'une prime de 1.500 euros pour une maison unifamiliale et de 750 euros pour un logement dans un immeuble collectif.

 

Le certificat, qui serait établi par un architecte ou un ingénieur-conseil, contiendrait une évaluation de durabilité du logement divisée en six catégories de critères, à savoir l'implantation, la société, l'économie, l'écologie, le bâtiment et les installations techniques, et la fonctionnalité du logement. Ces critères sont précisés par un projet de règlement grand-ducal et par des fiches techniques y annexées.

 

Le Ministre ayant le Logement dans ses attributions tiendrait un registre des certificats établi.

 

S’il est louable qu’une aide financière soit proposée pour l’établissement de ces certificats, l’on s’interrogera sur la plus value que pareil certificat peut apporter dans le chef du promoteur, d’un propriétaire ou d’une copropriété. Il ressort en effet de l’annexe du projet de règlement grand-ducal relatif à la certification de la durabilité des logements que le certificat nécessite un diagnostique complet, non seulement de l’immeuble lui-même (Énergie, Écologie, Évaluation environnementale des matériaux de construction, Besoin en énergie primaire au courant du cycle de vie, Évaluation de la ressource bois, Besoin en eau potable et quantité d'eau usée, Utilisation d'énergie renouvelable,  Autoconsommation électrique, Appareils économes en énergie, Plantations et intégration de facteurs naturels, Revitalisation de bâtiments existants, Bâtiment et installations techniques, Isolation acoustique, Hygrothermie du bâtiment, Etanchéité a l'air du bâtiment, Nettoyage et entretien du bâtiment, Mise en œuvre de la construction, Planification intégrale des immeubles collectifs, Mise en service et documentation des installations techniques, Montage et capacité de démontage, Fonctionnalité, Aspects fonctionnels, Sécurité, Conception universelle, Réglage des installations techniques, Confort visuel, Confort thermique d'hiver, Confort thermique d'été, Santé et qualité de l'air intérieur, Équipement limitant la pollution électromagnétique, État de la construction existante) ..., mais aussi de sa situation de l’immeuble dans le tissu urbain ( Implantation dans la commune, Intégration dans le concept urbain, Utilisation des surfaces constructibles et espaces verts publiques, Raccordement au réseau routier, Infrastructures, Ensoleillement, Qualités du site).

 

Vu la complexité de l’établissement du certificat, du moins en apparence, il semble, après un analyse nécessairement sommaire à ce stade du projet de loi, que le coût des certificats à établir dépassera les aides financières prévues.

 

Reste à voir si le secteur immobilier jugera opportun d’utiliser pareilles certifications.

 

 

Marchés publics et de contrats de concession


La matière est actuellement régie par la loi modifiée du 25 juin 2009 sur les marchés publics et son règlement d’exécution, le règlement grand-ducal du 3 août 2009.

 

A la suite des directives européennes 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession, 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (marchés dits du secteur classique) et 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (marchés des secteurs dits spéciaux), un projet de loi n° 6984, sur l'attribution des contrats de concession, a été déposé à la Chambre des Députés le 4 mai 2016. Il a fait l’objet d’amendements gouvernementaux le 21 septembre 2016.

 

Un projet de loi n° 6982, sur les marchés publics, vise à transposer les deux directives européennes pour le secteur classique et les secteurs spéciaux. Il a fait l’objet d’amendements gouvernementaux en date du 31 août 2016.

 

 

Organisation des professions d’architecte et d’ingénieur-conseil


Celle-ci est actuellement régie par la loi du 13 décembre 1989 portant organisation des professions d'architecte et d'ingénieur-conseil. Un projet de loi n° 6795 vise à modifier celle-ci (voir notre article concernant le projet de loi). Ce projet fut déposé le 20 mars 2015 à la Chambre des Députés. Il semble qu’il n’y ait plus eu d’évolution le concernant depuis l’avis du Conseil de la concurrence, en date du 17 décembre 2015.

 

 

Procédure devant les juridictions de l’ordre administratif


La procédure contentieuse devant les juridictions administratives sont actuellement organisées aux travers de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, et de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

 

Un projet de loi n° 6563 visant à modifier deux lois précitée fut déposé à la Chambre des Députés en date du 11 avril 2013 (voir notre analyse du projet de loi).

 

A la suite d’un avis du Conseil d’Etat, il fut décidé de scinder le projet de loi afin de pouvoir engager rapidement de nouveaux juges pour le tribunal administratif, tout en reportant la réforme de la procédure devant les juridictions administratives à plus tard. 

 

Le projet de révision des deux textes légaux n’a ainsi, plus vu d’évolution depuis lors.

 

 

Projet de loi Omnibus : de manière transversale, (aménagement communal et le développement urbain, aménagement du pacte logement, protection de la nature et des ressources naturelles, gestion de l’eau, loi communale, sites et monuments nationaux, établissements classés, etc.)


Le projet de loi n° 6704, dit « omnibus », s’inscrit, suivant les auteurs du projet, dans le cadre des travaux de simplification administrative déployés ces dernières années. Le projet vise ainsi à une simplification des procédures, dans des domaines législatifs aussi variés que l’aménagement communal, l’aménagement du territoire, la loi pacte logement, la loi sur la protection de la nature, sur la protection de l’eau, sur les sites et monuments, sur les établissements classés, par une réduction des délais d’instruction des dossiers, du volume des documents administratifs requis (notamment au niveau des études urbanistiques ou environnementales), voire via une mise en œuvre plus systématique de la dématérialisation des échanges entre l’administration et l’administré.

 

Le projet de loi, bien actif, a fait l’objet d’un second avis complémentaire du Conseil d’Etat en date du 15 juillet 2016.

 

Pour plus de détails sur le projet de loi omnibus, nous renvoyons à nos articles à ce propos :

-          Le projet de loi omnibus

-          Projet de loi omnibus : plusieurs objections formelles du Conseil d’Etat

 

 

Protection de la nature et des ressources naturelles


La loi modifiée du 19 janvier 2004 règle actuellement la matière.

 

Un projet de loi n° 6477 ambitieux (déposé par Monsieur Marco SCHANK), a été introduit auprès de la Chambre des Députés le 14 septembre 2012. Il visait notamment à prévoir de nouvelles mesures destinées à sauvegarder la biodiversité, à améliorer la simplification administrative, ou encore à augmenter la transparence pour les demandeurs d’autorisations (notre article à cet égard).

 

Le projet de loi est aujourd’hui au point mort. Sa dernière évolution aura été d’être renvoyé en commission de l’Environnement, en date du 12 décembre 2013.

 

Un autre projet de loi, n° 7048 (déposé par Madame Carole Dieschbourg), déposé le 31 août 2016 à la Chambre, vise à son tour à réformer la matière. Il est notamment prévu plusieurs règlements d’exécution de la loi, dont trois principaux, visant à clarifier la législation applicable :

 

- un règlement grand-ducal fixant les constructions en zone verte : « ainsi tout administré connaîtra à l'avance ce qu'il peut construire et comment, ce qui revient à supprimer toute forme d'arbitraire et à assurer un traitement égalitaire » ;

- un règlement grand-ducal pour la mise en œuvre de l'article 17 (protection des biotopes) : avec notamment la liste attendue des biotopes protégés, ainsi que les mesures à considérer comme une réduction, une destruction ou une détérioration des biotopes et habitats ;

- un règlement grand-ducal concernant le nouveau système des éco-points dans le cadre des mesures compensatoires (cf. infra).

 

L’on ne peut que saluer ces objectifs de simplification, de meilleure précision de la loi, visant notamment à supprimer un certain arbitraire dans le traitement des dossiers. Cela étant, l’on peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles un nouveau projet de loi fut introduit, alors qu’il existait déjà une base de discussion à la Chambre des Députés (projet de loi 6477 précité).

 


Responsabilité en matière de construction


La responsabilité civile des architectes, entrepreneurs, vendeurs d’immeubles, est réglée par différentes dispositions du code civil, concernant le contrat de louage d’ouvrage, la VEFA, les garanties biennales et décennales, etc.

 

Un projet de loi n° 5704 avait été introduit à la Chambre le 15 mars 2007. Plus de trois ans plus tard, il fit l’objet d’un avis du Conseil d’Etat, le 17 décembre 2010. Le 12 décembre 2013, le projet de loi fut renvoyé en Commission juridique. Il ne s’agit visiblement pas d’un projet prioritaire.

 

 

Sites et monuments nationaux


La protection des sites et monuments nationaux est actuellement réglée par la loi du 18 juillet 1983 concernant la protection des sites et monuments nationaux.

 

Un projet de loi n° 4715, relative à la protection et à la conservation du patrimoine culturel, fut déposé à la Chambre en date du 17 octobre 2000. Il a fait l’objet de trois avis du conseil d’Etat et fut renvoyé en commission de la Culture le 12 décembre 2013. Il n’y a plus de trace de vie de ce projet depuis.

 

 

Tous les projets de loi précités, dans la mesure où ils influenceraient, une fois adoptés, peu ou prou, le secteur  immobilier, font l’objet d’un suivi attentif de notre part.

 

Par Maître Sébastien COUVREUR

Avocat à la Cour

 

 

Retour sommaire