Droit immobilier

La transparence de l’administration communale, vis-à-vis des documents d’urbanisme

La transparence de l’administration de l'administration communale, vis-à-vis des documents d’urbanisme

 

 

En matière de communication de documents administratifs, et plus particulièrement de documents relatifs à des permis de construire/transformer/rénover etc., il y a principalement trois bases légales :

 

-          Loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et son RGD d’exécution, règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes (ci-après « PANC »)

-          L’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 (« loi ACDU »)

-          Loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte.

 

Il faut généralement distinguer deux phases : avant la décision administrative portant sur la demande d’autorisation auprès bourgmestre, et après celle-ci.

 

 

Phase d’instruction de la demande de permis


 

Suivant la PANC, article 5 :

« Lorsqu'une décision administrative est susceptible d'affecter les droits et intérêts de tierces personnes, l'autorité administrative doit lui donner une publicité adéquate mettant les tiers en mesure de faire valoir leurs moyens. Dans la mesure du possible, l'autorité administrative doit rendre publique l'ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision. Les personnes intéressées doivent avoir la possibilité de faire connaître leurs observations. La décision définitive doit être portée par tous moyens appropriés à la connaissance des personnes qui ont présenté des observations. ». et article 12 : « Toute personne concernée par une décision administrative qui est susceptible de porter atteinte à ses droits et intérêts est également en droit d'obtenir communication des éléments d'informations sur lesquels l'Administration s'est basée ou entend se baser. ».

 

Les termes « toute personne concernée » vise également les tiers intéressés et pas seulement le demandeur de permis (Pas admin 2023, p. 411, pt. 148). Suivant la jurisprudence, l’article 12 n’impose toutefois pas à l’administration de communiquer spontanément ou systématiquement les « éléments d'informations sur lesquels l'Administration s'est basée ou entend se baser ».

 

La jurisprudence a fort évolué ces derniers temps concernant les obligations des communes en matière de permis de bâtir.

 

Elle retient désormais concernant l’information préalable à la délivrance de permis que :

-          Si un ou plusieurs tiers intéressés à une demande de permis ont été identifié (par exemple, s’ils ont fait valoir leurs inquiétudes auprès des services communaux quant à un projet immobilier futur), la commune a une obligation d’informer ces derniers par notification individuelle, tout en leur laissant la possibilité de consulter les plans de la demande d’autorisation, ainsi que la possibilité de faire valoir leurs réclamations dans un délai raisonnable (T.A. 14 juillet 2020 n° 43070).

 

-          Un affichage de la demande d’autorisation est également impératif, pour permettre aux tiers intéressés, non préalablement identifiés, de faire valoir leurs observations (C.A., 12 mai 2022, n° 46929C).

 

 

Il se pose souvent la question en pratique de savoir si les documents faisant partie du dossier de la demande de permis, peuvent être communiqués à des tiers par l’administration en phase d’instruction du dossier, et dans l’affirmative, quels documents peuvent l’être.

 

La loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte répond en principe à ces questions.

 

Elle impose aux administrations la communication des « documents administratifs » sous réserve de motifs de non-communication fixés par la loi (art. 1er 2, art. 6 et 7). Le principe est donc que tout est communicable, sauf exceptions.

 

Ceux qui sont régulièrement invoqués par les communes pour refuser la communication de pièces d’un dossier de demande de permis (par exemple, refus de communication des plans intérieurs de l’immeuble) sont principalement les suivants :

-          sécurité des personnes et respect de la vie privée ;

-          droits de propriété intellectuelle ;

-          données à caractère personnel ;

-          documents en cours d’élaboration ou des documents inachevés.

 

Ces motifs sont généralement mal accueillis par les juridictions administratives, même si jusqu’à présent, à notre connaissance, un refus de communication des plans avant la délivrance du permis, n’a pas entraîné par la suite une annulation du permis délivré, sur base de ce seul moyen (voir par ex. C.A., 20 juin 2023, n° 48458C du rôle) « Au-delà de cette obligation légale imposant à une administration communale de permettre la consultation respectivement l’inspection complète des plans de construction, il y a encore lieu de rappeler, face à l’attitude manifestement récalcitrante de la Ville de Luxembourg, en ce qui concerne la phase pré-contentieuse, que le principe, sous l’égide de la loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte, entrée en vigueur le 1er janvier 2019, est dorénavant que tous les documents détenus par une administration ou un service de l’Etat, une commune, un établissement public et une personne morale fournissant un service public sont accessibles et qu’il suffit que les documents sollicités revêtent un caractère administratif, qu’ils se rapportent donc à la gestion d’une activité administrative : dorénavant l’accès aux documents constitue la règle générale, tandis que les motifs d’exception doivent être interprétés de manière restrictive (…) » (T.A., 14 juillet 2021, n° 46144 du rôle).

 

La Commission d’accès aux documents administratifs a pu considérer que :

-          En ce qui concerne des plans d’architecte, les droits de propriété intellectuelle, la CAD souligne que « la simple communication et publication de documents n’a pas vocation à elle seule d’enfreindre des droits de propriété intellectuelle et ne donne pas non plus droit à la violation de ces droits de propriété intellectuelle par une autre personne. Les plans d’une demande de permis sont donc communicables, de ce point de vue » (avis https://cad.gouvernement.lu/dam-assets/avis/demande-de-conseil/2023/20231220-avis-6-2023-commune-de-larochette-publ.pdf).

 

-          Les déclarations de travaux, autorisations de bâtir, les plans intérieurs et extérieurs faisant partie intégrante des autorisations, sont communicables : « En ce qui concerne l’identité et l’adresse du bénéficiaire de l’autorisation de bâtir, ces données ont déjà fait l’objet d’une publicité légale. Par conséquent, la Commune de Walferdange ne peut pas se prévaloir de l’exception relative à la protection des données à caractère personnel (article 6, point 1°, de la Loi) pour en refuser la communication. La CAD tient à préciser que conformément à l’article 37, alinéa 6 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain, les plans afférents à l’autorisation de construire peuvent être consultés pendant le délai durant lequel l’autorisation est susceptible de recours. Cet article, depuis sa modification en 2017, ne distingue plus entre plans extérieurs et intérieurs. Il s’ensuit que les plans dévoilant l’intérieur d’un immeuble ne sauraient être soustraits à l’obligation de publicité légale et, par conséquent, ne tombent pas sous la protection prévue à l’article 6, point 1°, de la Loi. » (https://cad.gouvernement.lu/dam-assets/avis/demande-art-10/2022/20220505-avis-r-4-2022-publ.pdf).

 

En ce qui concerne l’épineuse question de savoir si un document peut être considéré comme « inachevé », ce qui permet à l’administration d’en refuser la transmission au demandeur, il convient de renvoyer à un jugement qui développe cette notion sur plusieurs pages : https://ja.public.lu/40001-45000/43704.pdf

 

Concernant les plans d’un projet d’autorisation, nous sommes d’avis que tant que les plans sont à l’état de projet librement discutés entre l’administration et le demandeur de permis (et donc susceptibles d’être modifiés), ils peuvent être considérés comme inachevés. Mais dès le moment où le demandeur de permis, ou la commune, les considèrent comme définitifs en ce sens que le bourgmestre serait tenu de prendre une décision à leur sujet, les documents sont à considérer comme achevés.

 

La Ville de Luxembourg fait coïncider ce moment avec l’affichage de la demande d’autorisation, tout en notifiant aux tiers intéressés connus l’information qu’après une vérification préalable du service d’urbanisme, les plans sont considérés a priori conformes à la règlementation urbanistique et que les tiers sont partant invités à faire valoir leurs observations éventuelles.

 

L’affichage de cet avis ne préjuge pas de la décision finale du bourgmestre dans l’hypothèse où une réclamation serait considérée comme fondée.

 

La CAD a statué en ce sens concernant un APD : « Le fait que le processus plus large, à savoir l’autorisation de bâtir, n’est pas encore achevé, ne permet pas de qualifier le document d’« inachevé » au sens de la Loi. En effet, la CAD estime que l’avant-projet a acquis son stade définitif d’élaboration lorsqu’il a été soumis au Ministère de la Culture ». https://cad.gouvernement.lu/dam-assets/avis/demande-art-10/2022/20221117-avis-r-13-2022-publ.pdf

 

Après la délivrance du permis


L’article 37 de la loi ACDU impose tout d’abord une obligation dans le chef de la commune de permettre la consultation « par le public » (la démonstration d’un intérêt particulier n’est pas requise), des plans appartenant à l’autorisation de construire pendant le délai durant lequel l’autorisation est susceptible de recours. Ce texte ne vise donc que l’information ex-post.

 

 

Les plans intérieurs et extérieurs autorisés sont bien sûrs communicables, en vertu de ce qui précède.

 

 

Conclusions


En résumé :

 

Les actes réglementaires communaux (PAG, PAP, Règlement des bâtisses etc.) et les délibérations du conseil communal sont évidemment communicables en vertu de la loi communale.

 

 

Les plans intérieurs et extérieurs des demandes d’autorisation de bâtir, transformer, rénover etc., sont communicables, sauf si considérés comme inachevés – en cours d’instruction (s’ils doivent être revus suite à des échanges entre le demandeur et la commune).

 

 

Maître Sébastien COUVREUR

Avocat à la Cour - Partner

 

 

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