Droit immobilier

Ouverture d'une enquête publique en vue du classement d'immeubles de la commune de Mersch comme "patrimoine culturel national"

Inventaire scientifique et classement comme patrimoine culturel national du patrimoine architectural de la commune de Mersch

 

La commune de Mersch est la première commune du pays à être concernée par une procédure entamée par le ministère de la Culture visant à l'établissement d'un "inventaire scientifique" en vue du classement des immeubles qu'il comporte, comme "patrimoine culturel national".

 

Ce classement implique de sévères limitations aux droits des propriétaires concernés (voir ci-après). Nous vous conseillons dès lors vivement de vérifier si votre/vos propriété(s) sont potentiellement concernées.

 

Une liste des immeubles et parcelles visées est disponible en téléchargement via le lien suivant :

 

https://enquetes.public.lu/fr/enquetes/1600/1622.html

 

L'avis au public expose que "conformément aux dispositions de la loi du 25 février 2022 relative au patrimoine culturel [qui a abrogé la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux], l’inventaire scientifique du patrimoine architectural de la commune de Mersch a pu être réalisé par l’Institut national pour le patrimoine architectural - INPA (anc. Service des sites et monuments nationaux). Comme suite à cet inventaire, il est maintenant possible d’entamer la protection juridique cohérente des immeubles tels qu’inventoriés. L'inventaire scientifique du patrimoine architectural de la commune de Mersch ainsi que la liste des immeubles à classer comme patrimoine culturel national peuvent être consultés ci-dessous. Les contributions au projet de classement peuvent être déposées par le biais de cette enquête publique ou peuvent être adressées au collège des bourgmestre et échevins de la commune de Mersch dans un délai de 45 jours qui suivent la présente publication de l'inventaire du patrimoine architectural de la commune de Mersch. Aussi, considéré que cette publication est faite en date du 16 janvier 2023, les contributions doivent-elles être déposées jusqu’au 1er mars 2023 inclus.

 

Il faut noter d’emblée que les « contributions », sont en réalité plutôt à qualifier de recours ou à tout le moins de réclamations précontentieuses, dans la mesure où l’article 25 (3) de la loi précitée précise que ces dernières sont à introduire « sous peine de forclusion », c’est-à-dire sous peine de déchéance de toute possibilité de faire ultérieurement valoir des critiques contre le classement. En d'autres termes, celui ou celle qui n'aura pas formulé ses "contributions" dans le délai imparti ne serait plus admis(e) par la suite à introduire de recours en annulation contre le classement de son ou ses immeubles :

 

« Dans un délai de quarante-cinq jours qui suivent la publication de l’inventaire sur le support électronique prévu au paragraphe 1er, sous peine de forclusion, les contributions au projet de classement et le cas échéant de création de secteurs protégés d’intérêt national doivent être déposées par le biais d’un assistant électronique à cet effet ou doivent être adressées au collège des bourgmestre et échevins qui en donne connaissance au conseil communal pour avis. Ce dossier, avec les contributions et l’avis du conseil communal, est transmis dans le mois de l’expiration du délai de quarante-cinq jours à compter de la publication au ministre qui continue la procédure suite à l’adaptation, le cas échéant, de l’avant-projet de règlement grand-ducal visé à l’article 24, paragraphe 3, sur base des contributions formulées à l’encontre du projet initial. »

 

Les effets du classement peuvent être sévères ; ils sont définis aux articles 29 et suivants de la loi précitée :

 

Art. 29 :

(1) Le propriétaire d’un bien immeuble classé comme patrimoine culturel national veille à la conservation de ce dernier.

 

(2) Les effets du classement s’appliquent à l’égard des biens immeubles classés comme patrimoine culturel national, nus ou bâtis, pris en leur intégralité. Y sont inclus les immeubles par nature et les immeubles par destination incorporés.

 

Art. 30 :

(1) L’immeuble classé comme patrimoine culturel national ne peut être l’objet d’un travail de réparation, de restauration ou de modification quelconque, autres que l’entretien, à faire réaliser à l’extérieur et à l’intérieur de l’immeuble classé comme patrimoine culturel national, sans une autorisation écrite du ministre.

 

(2) Aucune construction nouvelle ne peut être adossée à un bien immeuble classé comme patrimoine culturel national sans une autorisation écrite du ministre.

 

(3) La demande d’autorisation de travaux est à adresser par écrit au ministre avant le début envisagé de ces travaux.

Le ministre peut demander l’avis de la commission avant de rendre sa décision qui doit parvenir à l’intéressé dans les quatre mois de la réception de la demande d’autorisation de travaux. Passé ce délai, la demande est censée être agréée.

 

Un règlement grand-ducal détermine les pièces à joindre à la demande d’autorisation de travaux sur un bien immeuble classé comme patrimoine culturel national.

 

(4) Les travaux autorisés s’exécutent sous la surveillance de l’Institut national pour le patrimoine architectural. Le propriétaire d’un bien immeuble classé comme patrimoine culturel national peut bénéficier d’une assistance à maîtrise d’ouvrage.

 

(5) Les effets du classement suivent les immeubles concernés en quelque main qu’ils passent. Les actes et promesses de vente ou de location ainsi que ceux ayant pour objet de transférer un droit réel immobilier sur un bien immeuble classé comme patrimoine culturel national font mention de cette mesure de classement et des servitudes qui peuvent en découler. En cas d’inobservation des dispositions qui précèdent, la nullité de l’acte de vente, de location ou de transfert d’un droit réel immobilier pourra être poursuivie à la requête de l’acquéreur ou autre contractant lésé aux frais et dommages du vendeur et du notaire instrumentaire tenus solidairement ou du bailleur sans préjudice d’éventuelles réparations civiles.

 

Art. 31 :

(1) Le Gouvernement en conseil peut, en se conformant aux prescriptions de la loi modifiée du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, poursuivre au nom de l’État l’expropriation pour cause d’utilité publique d’un immeuble classé comme patrimoine culturel national ou en voie de classement.

Il en est de même pour les immeubles dont l’acquisition est nécessaire pour isoler, dégager ou assainir un immeuble classé comme patrimoine culturel national ou en voie de classement.

(2) Un bien immeuble classé comme patrimoine culturel national ne peut être compris dans une enquête aux fins d’expropriation pour cause d’utilité publique qu’après que le ministre ait été appelé à présenter ses observations.

 

À l’exception des servitudes légales en matière de sécurité, les servitudes légales grevant un bien immeuble classé comme patrimoine culturel national ne lui sont pas applicables si elles entraînent des mesures contraires aux effets du classement.

 

À moins qu’elle n’ait été établie avant l’entrée en vigueur de la présente loi, aucune servitude conventionnelle sur un bien immeuble classé comme patrimoine culturel national ne peut être établie sans l’autorisation du ministre qui est annexée à la convention.

 

Nul ne peut acquérir, par voie de prescription acquisitive, telle que prévue par les articles 2219 et suivants du Code civil, de droit sur un bien immeuble classé comme patrimoine culturel national.

 

Le bien immeuble classé comme patrimoine culturel national peut être identifié par l’apposition d’un signe distinctif. Les conditions de l’apposition du signe distinctif sont fixées d’un commun accord avec le propriétaire du bien immeuble.

 

La loi prévoit également des subventions éventuelles pour les travaux de restauration et de mise en valeur des immeubles ayant un intérêt historique, architectural, artistique, scientifique, technique ou industriel qui ont gardé leur caractère typique ou historique et qui font l’objet d’une mesure de protection nationale ou communale (art. 34 et suivants).

 

La loi prévoit encore des mécanismes de substitution aux « propriétaires défaillants » (article 37 et suivants).

 

Compte tenu de ce qui précède, des contraintes pour le propriétaire d’un immeuble classé et de la moins-value immobilière qui s’ensuit, nous vous conseillons de vérifier si les conditions légales de classement sont réunies et le cas échéant, de faire opposition au projet de classement, endéans le délai d’enquête publique.

 

D’autres communes suivront… Nous resterons attentifs.

 

Me Sébastien COUVREUR

Avocat à la Cour

 

 

 

 

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