Droit immobilier

[Jurisprudence administrative - droit immobilier - janvier à mars 2021]


Protection du patrimoine :

Annulation – Arrêté ministériel – article 1er de la loi du 18 juillet 1983 – Motivation insuffisante :

 

« Il ne suffit, en tout état de cause, pas de vanter l’authenticité du style architectural et de la substance bâtie d’une bâtisse, encore faut-il être en mesure de rattacher celle-ci à un style ou à une époque de construction en particulier, ce que, tel que relevé ci-avant, la partie étatique reste en défaut de faire pour ce qui est du corps de logis. Si le corps de logis litigieux, du fait de sa date de construction, fait donc nécessairement - à l’instar de toutes les autres constructions de cet âge - partie du patrimoine bâti de la localité de Grosbous, cette circonstance à elle seule ni n’explique, ni ne justifie-elle le classement de cet immeuble en tant que monument national au sens de la loi.

 

Par ailleurs, si, d’après les critères mis en place par le SSMN, les objets qui illustrent la vie de périodes passées et qui montrent l’histoire sociale sont dignes d’être conservés, encore faut-il toutefois que ces objets remplissent des critères d’authenticité plus importants s’ils ne remplissent pas déjà le critère de rareté. Or, en l’espèce, il ne saurait être valablement soutenu que le corps de logis litigieux constituerait un exemplaire représentatif d’un genre ou d’un type de construction qui se fait rare de nos jours et dont la perte entraînerait non seulement sa disparition, mais aussi la disparition du genre de bâti lui-même4 , puisque, de par son aspect extérieur, il correspond à de nombreuses autres maisons érigées à la même époque au Grand-Duché de Luxembourg sans que le tribunal ne puisse dénoter l’existence d’éléments individualisés d’une exceptionnalité particulière conférant à la maison litigieuse le cachet d’un type architectural caractéristique ou d’une valeur historique justifiée.

 

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de déclarer le recours en réformation tel qu’introduit par la société demanderesse justifié et par réformation d’annuler l’arrêté du Conseil de gouvernement du 3 mai 2019 décidant du classement comme monument national de l’immeuble sis à ..., inscrit au cadastre de la commune de Grosbous, section ... de ..., sous le numéro ....- TA, 1 mars 2021, rôle n°43376. »

 

 

Environnement

 

Annulation – Décision de ne pas réaliser une étude environnementale - Rapport sur les incidences environnementales – Article 2.7 de la loi du 22 mai 2008 – Absence d’explication - Vice de procédure :

 

« Il s’ensuit que la décision portant refus de procéder à une étude environnementale est entachée d’un vice de procédure en ce que les raisons la sous-tendant n’ont pas été publiées conformément à l’article 2.7 de la loi du 22 mai 2008, de sorte qu’elle encourt l’annulation pour défaut de motivation flagrant, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les autres moyens avancés par la demanderesse, cet examen devenant surabondant. – TA, 11 mars 2021, rôle n°43424.»

 

 

Annulation – Décision ministre de l’Environnement – Existance d’une construction légalement existante– Absence de motif de retrait – Applicabilité de la loi du 19 janvier 2004 :

 

« La jurisprudence a ainsi eu l’occasion de retenir que l’article 10, précité, réglait le sort des ouvrages qui existaient déjà en zone verte avant que les restrictions introduites par la loi du 19 janvier 2004 n’entrent en vigueur, en ce sens que l’autorité compétente est investie du pouvoir d’autoriser la reconstruction ou l’agrandissement de ces ouvrages existants s’ils ne compromettent pas le site, ceci au motif qu’« il est préférable en effet d’autoriser, dans certains cas, pareils travaux plutôt que de voir des ruines enlaidir le paysage bien davantage que ne le ferait une reconstruction décente » 1 . Les considérations à la base de cette disposition légale étant essentiellement de fait en ce qu’elle entend, tel que relevé par le Conseil d’Etat dans son avis prévisé, éviter le pire au niveau des atteintes déjà portées au site concerné en optant pour une remise en état, voire une transformation des ouvrages concernés plutôt que pour un délabrement incontournable par l’effet du temps, elles ne traduisent pas la volonté de distinguer, au niveau de l’application de ce régime transitoire, en fonction du caractère légal ou non des ouvrages concernés, mais bien la volonté d’agir d’une manière plus générale par application d’un critère de fait, en l’occurrence celui de l’existence pure et simple des constructions concernées.

 

Elle a encore relevé qu’en l’absence de tout indice susceptible de sous-tendre la volonté du législateur d’opérer une distinction au niveau du sort réservé aux constructions existantes en fonction de leur situation juridique au regard spécifique des autorisations requises le cas échéant au moment de leur construction initiale, il n’appartient dès lors pas à la juridiction saisie d’introduire pareille condition supplémentaire, étant entendu que la notion de construction existante se suffit à elle-même en ce qu’elle se réfère à ce qui est, à ce qui a une réalité, sans qu’il y ait besoin de recourir à des méthodes d’interprétation2 . Dans la mesure où la partie étatique ne conteste pas qu’en l’espèce, il s’agit d’une construction ayant matériellement existé au moment de la délivrance des deux autorisations litigieuses, la partie étatique admettant d’ailleurs dans sa duplique la thèse du demandeur que la bâtisse existante avait été construite dans les années 1970 en un seul tenant, et affirmant uniquement que certains aménagements auraient, à l’époque, été érigés sans autorisation afférente, voire qu’un changement d’affectation illégal aurait été opéré, le ministre a pu accorder son autorisation pour certains des travaux envisagés, qualifiés de simples travaux de rénovation, indépendamment de la question de savoir si la construction litigieuse avait été autorisée telle quelle.

 

En conséquence, le défaut d’existence légale d’une construction, avancé par le ministre, ne saurait constituer un motif d’annulation des autorisations délivrées sous l’empire de la loi du 19 janvier 2004 et ne saurait partant pas non plus utilement justifier le retrait litigieux. TA, 3 mars 2021, rôle n°43656. »

 

 

Me Sarah BURLET - Avocate au Barreau de Paris

Me Sébastien COUVREUR - Avocat à la Cour

Retour sommaire