Droit immobilier

Compensations environnementales : une meilleure transparence vis à vis du calcul des éco-points ?

Compensations environnementales : une meilleure transparence vis à vis du calcul des éco-points ?

 

La loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles avait introduit les « éco-points », respectivement officialisé une pratique administrative relative auxdits « éco-points », permettant aux communes, particuliers ou promoteurs immobiliers de compenser financièrement les détériorations que leurs projets immobiliers pourraient avoir sur les biotopes protégés, les habitats d’intérêt communautaire et les habitats d’espèces d’intérêt communautaire, pour lesquelles l’état de conservation a été évalué non favorable. 

 

Le nouveau système compensatoire comprenait également la création de pools compensatoires, gérés par l’Administration de la nature et des forêts (ANF) ou des communes et syndicats de communes, visant la réalisation de mesures compensatoires préalables et indépendantes de destructions de biotopes ou habitats. 

 

Un règlement grand-ducal du 1er août 2018 avait été adopté dans la foulée de la loi pour désigner les biotopes protégés, les habitats d’intérêt communautaire et les habitats des espèces d’intérêt communautaire pour lesquelles l’état de conservation a été évalué non favorable, et précise les mesures de réduction, de destruction ou de détérioration y relatives.

 

L’adoption dudit règlement grand-ducal était devenue impérative, puisque la Cour constitutionnelle (Arrêt n° 00138 du 6 juin 2018) avait épinglé le fait que le principe de légalité des peines imposait de définir précisément la notion de « biotope », alors que la loi du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles prévoyait que la destruction de « biotopes » implique des sanctions pénales. L’on ne peut en effet imaginer de sanctionner pénalement une personne que si elle peut préalablement se figurer ce qui représenterait dans son chef un comportement infractionnel. Or, si elle ne peut saisir ce qui constitue ou non un biotope, cette personne ne saura pas plus estimer si la destruction d’un élément naturel constitue une faute pénale ou non.

 

Le prédit règlement grand-ducal prévoit ainsi que les biotopes protégés conformément aux articles 4 et 17 de la loi du 18 juillet 2018 regroupent les éléments naturels suivants :

 

« 1° complexes de parois rocheuses des zones d’extraction [BK01] ;

2° complexes d'éboulis et de blocs rocheux des zones d’extraction [BK02] ;

3° complexes de pelouses pionnières et maigres des zones d’extraction [BK03] ;

4° magnocariçaies [BK04] ;

5° sources [BK05] ;

6° roselières (Phragmition, Phalaridion, Sparganio-Glycerion) [BK06] ;

7° pelouses maigres sur sols sableux et siliceux [BK07] ;

8° eaux stagnantes [BK08] ;

9° vergers à haute tige [BK09] ;

10°prairies humides du Calthion [BK10] ;

11°friches humides, marais des sources, bas marais et végétation à petites Laîches [BK11] ;

12°cours d'eau naturels [BK12] ;

13°peuplements d’arbres feuillus [BK13] ;

14°chênaies xérophiles à Campanule [BK14] ;

15°lisières forestières structurées [BK15] ;

16°bosquets composés d'au moins cinquante pour cent d'espèces indigènes [BK16] ;

17°haies vives et broussailles [BK17] ;

18°groupes et rangées d’arbres [BK18] ;

19°chemins ruraux à caractère permanent, incluant les bandes et talus herbacés ou boisés en accotement[BK19] ;

20°murs en pierres sèches [BK20] ;

21°cairns et murgiers [BK21] ;

22°cavités souterraines, mines et galeries [BK22]. ».

 

Ces éléments sont plus amplement définis dans l’annexe dudit règlement. Ainsi par exemple, les groupes ou rangées d’arbres regroupent les « structures  végétales  composées  d’essences  d’arbres  essentiellement  indigènes,  qui  sont remarquables par leur diamètre ou leur fonction de structure paysagère, de corridor écologique ou d’habitat d’espèces d’animaux. Les groupes d’arbres sont formés par au moins 2 arbres, dont les couronnes se touchent ou qui sont éloignés de 10 mètres au maximum. Les rangées d’arbres sont formées par au moins 3 arbres qui sont éloignés de 30 mètres au maximum » (encore faudra-t-il s’accorder sur la notion – a priori – subjective de « remarquable »).

 

Un autre règlement grand-ducal du même jour est venu préciser la valeur d’un éco-point, et l’a fixée à 1. Euro.

 

Finalement, un troisième règlement grand-ducal du même jour a institué un système numérique d’évaluation et de compensation en éco-points.

 

Le prédit règlement grand-ducal prévoit par exemple qu’un arbre isolé adaptés au site ou un arbre fruitier faisant partie d’un groupe ou d’une rangées d'arbres, a une valeur de base (elle peut être pondérée à la hausse ou à la baisse compte tenu de différents critères), de 18 euros par centimètres de circonférence (un tel arbre de 50 cm de circonférence pouvant varier alors entre une valeur de 700 à 1150 éco-points).

 

Lorsqu’un promoteur réalise un lotissement devant, par la force des choses, aboutir à la destruction d’un certain nombre de biotopes, il convient de calculer la valeur de l’ensemble de ces éléments naturels. Le promoteur payera alors une taxe environnementale proportionnelle à la hauteur de la valeur des biotopes présents sur le site et des destructions requises.

 

***

 

En date du 27 mars 2020, a été pris un arrêté ministériel ayant pour but d’arrêter les modalités de calcul du système numérique d’évaluation et de compensation en éco-points, y inclus l’ajustement et le facteur de correction.

 

Le système numérique d’évaluation et de compensation est un « outil destiné à estimer la valeur écologique relative, exprimée en éco-points, d’un site ou d’une zone visés par un projet en vue de définir l’envergure des mesures compensatoires nécessaires et afin de déterminer la valeur écologique des mesures compensatoires réalisées ou prévues » (article 3, 22° de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles).

 

Le principe est le suivant :

 

Un nombre en éco-points pour une circonférence des arbres ou une surface est fixé. Pour déterminer la valeur écologique, le nombre est multiplié soit par la surface en mètre carré soit par la circonférence de l’arbre en centimètre.

 

Cette valeur écologique est à calculer à l’état initial (situation existante) et à l’état final (situation projetée après réalisation d’un projet). (Article 1 du règlement grand-ducal du 1er août 2018 instituant un système numérique d’évaluation et de compensation en éco-points)

 

Pour l’évaluation de l’état initial, le nombre en éco-points de base est à multiplier par un facteur d’ajustement (entre 0.75 et 1.5) en fonction de la qualité écologique de l’élément à évaluer (article 2 du règlement grand-ducal).

 

Pour l’évaluation de l’état final, ce nombre ajusté est complété par addition d’un facteur de correction au cas où seraient recensées une ou plusieurs espèces d’intérêt communautaire pour lesquelles l’état de conservation a été évalué non favorable :

 

-          5 éco-points pour les espèces ayant un état de conservation non favorable inadéquat ou inconnu

 

-          10 éco-points pour les espèces ayant un état de conservation non favorable mauvais

 

 

En présence de plusieurs espèces d’intérêt communautaire pour lesquelles l’état de conservation a été évalué non favorable, le facteur de correction le plus élevé est à appliquer. (Article 3 du règlement grand-ducal)

 

La valeur écologique d’un site/zone est la somme des valeurs écologiques de l’ensemble des surfaces et arbres donnés.

 

Le bilan écologique correspond à la différence entre la valeur écologique de l’état initial et la valeur écologique de l’état final. Il est à réaliser obligatoirement à l’aide de l’application informatique qui sera mis à disposition par le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions. (Article 4 du règlement grand-ducal).

 

L’arrêté ministériel précité comporte en annexe une sorte de cahier des charges (Leitfaden) à destination des organismes agréés en matière d’environnement, pour les guider dans l’établissement des diagnostics éco-points.

 

 

Me Sébastien COUVREUR – Avocat à la Cour

Me Raffaela FERRANDINO – Avocat

 

 

 

 

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