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Plans directeurs sectoriels : en vigueur au 1er mars 2021 !

Plans directeurs sectoriels : en vigueur au 1er mars 2021 !

 

Dans sa récente circulaire n°3964 du 22 février 2021 aux administrations communales, la ministre de l’Intérieur et le ministre de l’Aménagement du Territoire informent les communes de l’entrée en vigueur des règlements grand-ducaux rendant les plans directeurs sectoriels « logement », « paysage », « transports » et « zones d’activités économiques » pour le 1er mars 2021.

Entretemps lesdits PDS ont été publiés au Journal Officiel en date du 25 février 2021.

 

I. Les plans directeurs sectoriels, c’est quoi ?

 

Les PDS sont des instruments d’aménagement du territoire, rendus obligatoires par règlement grand-ducal, contenant des prescriptions écrites qui peuvent être complétées par des prescriptions graphiques couvrant l’ensemble ou des parties déterminées du territoire national luxembourgeois (art. 9 de la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire).

 

Ils ont pour vocation d’organiser le territoire en matière de logements, d’activités économiques, de transport, d’environnement (paysages, déchets inertes), etc., par des prescriptions (graphiques et écrites donc), limitant ou encadrant le droit de propriété, respectivement ayant une incidence sur l’aménagement communal (PAG – PAP – Schémas directeurs – autorisations de bâtir). Les PDS constituent en effet des règlements supérieurs dans la hiérarchie des normes vis-à-vis des plans d’aménagement communaux.

 

II. Quel est leur contenu ?

 

 L’ambition initiale des projets de plans directeurs sectoriels a été largement revue à la baisse depuis la première tentative d’adoption de ceux-ci en 2014 (voir nous articles publiés à l’époque en bas de page), ceci en raison de la volonté de leurs auteurs de trouver des compromis entre toutes les parties impliquées et du souci d’éviter trop de controverses politiques et/ou juridiques qui avaient été soulevées au moment de l’enquête publique et des avis des communes formulés en 2014.

 

Dès lors, ils ont été largement retravaillés et de nombreuses dispositions litigieuses initialement prévues (comme par exemple la différence faite entre les communes jugées prioritaires pour le développement de l’habitat et celles qui ne le seraient pas, un dispositif permettant d’organiser le nombre d’emplacements de stationnement dans les communes, quartiers par quartiers, en fonction du degré de desserte par les transports en commun, ou encore des prescriptions spécifiques pour les grandes surfaces commerciales) ont été supprimées, si bien que l’on peut s’interroger quant à l’incidence finalement assez modeste des PDS sur l’aménagement du territoire considéré de manière générale.

 

Somme toute, les PDS traduisent désormais la volonté du pouvoir central d’imposer des zonages et prescriptions urbanistiques à l’échelle supra-communale (en créant des zones destinées à l’habitation, des zones d’activités économiques sur le territoire de communes sans devoir requérir l’aval des conseils communaux concernés, des zones de protection des paysages, etc) plutôt qu’en une véritable coordination de l’aménagement du territoire à l’échelle nationale (comme a vocation de le faire le Programme directeur d’aménagement du territoire, lequel n’a cependant pas de force contraignante et qui doit encore faire l’objet d’une réforme).

 

Les PDS entrant prochainement en vigueur sont au nombre de quatre. Nous les examinons en substance (l’analyse précise de leur contenu normatif et de leurs objectifs, de leurs conséquences sur la planification communale et sur les autorisations de bâtir, etc., dépasserait de loin le cadre du présent article) ci-après :

 

a) Le PDS Logement

 

Le PDS Logement crée des « zones prioritaires d’habitation ». Ces zones se superposent de plein droit aux PAG des communes (art. 11 (2) 9° de la loi précitée).

 

Les zones concernées reprennent tantôt des terrains qui étaient déjà classés en zones constructibles suivant les PAG des communes concernées, tantôt visent à élargir le périmètre d’agglomération.

 

Les deux seules conséquences juridiques concrètes qu’impliquent ces zones sont les suivantes :

 

- Dans ces zones, chaque plan d’aménagement particulier «  nouveau  quartier  »  qui prévoit  un  nombre  de  logements  supérieur  à  25  unités  doit consacrer au moins 30 % de la surface construite brute destinée au logement » :

a) à la réalisation de logements à coût modéré, destinés à des personnes répondant aux conditions d’octroi des primes de construction ou d’acquisition prévues par la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, et

b) à des logements locatifs visés par les articles 27 à 30ter de ladite loi précitée du 25 février 1979.

 

- Dans ces zones, l’Etat et les communes territorialement concernées bénéficient d’un droit de préemption.

 

Malheureusement, de notre point de vue, le PDSL manque totalement son objectif qui visait suivant les affirmations politiques, et son exposé des motifs, à aider à lutter contre la pénurie de logements au Luxembourg. En effet, s’il est certes affirmé que les projets destinés à titre principal aux habitations doivent notamment « promouvoir un urbanisme faiblement consommateur en surfaces au sol et en ressources », aucune densité de logement minimale (DL) ou de densité de construction minimale (CUS) n’est fixée dans ces zones prioritaires d’habitations prévues par le PDSL. Pire, de nombreux terrains concernés par lesdites zones prioritaires étaient déjà constructibles avant l’entrée en vigueur du PDSL. En somme, ce dernier n’a pour objet concret que d’imposer que des logements « classiques » initialement possibles suivant les PAG des communes, devraient être convertis en logements à coût modéré : le PDSL ne permet pas de créer plus de logements, mais simplement à l’Etat d’acquérir des terrains des personnes privées par le biais du droit de préemption et d’imposer la conversion de logements classiques en logements « sociaux ».

 

Le PDSL n’agira donc nullement sur le hiatus qui se creuse entre l’offre et la demande au Grand-Duché.

 

b) Le PDS Zones d’activités économiques

 

Le PDSZAE a pour vocation d’arrêter :

- 12 zones d’activités économiques nationales existantes ;

- 5 zones d’activités spécifiques nationales existantes ;

- 2 extensions de zones d’activités économiques nationales ;

- 1 nouvelle zone d’activités économiques nationale ;

-1 nouvelle zone d’activités spécifiques nationale.

- 16 zones d’activités économiques régionales existantes ;

- 16 nouvelles zones d’activités économiques régionales ;

- 6 extensions de zones d’activités économiques régionales.

 

Le PDSZAE prévoit les conditions de gestion des zones d’activités économiques régionales (en principe par un syndicat intercommunal) et nationales (par l’Etat et mises à dispositions sous forme de baux emphytéotiques) ainsi arrêtées, de même que des prescriptions applicables en cas d’extension ou de création de nouvelles zones d’activités économiques communales. Finalement, le PDSZAE impose le reclassement de zones d’activités communales existantes – jugées inopportunes d’un point de vue aménagement du territoire – en zone verte.

 

c) Le PDS Transports

 

Le PDST désigne des couloirs et zones superposés (non aedificandi) destinés à assurer la réalisation de projets d’infrastructures de transport, les tracés desdits projets, ainsi que leur ordre de priorité de réalisation à titre indicatif.

 

Il indique ainsi (de manière non exhaustive) les projets d’infrastructures de transport collectif ; les projets d’infrastructures de trafic individuel motorisé ; les projets de parkings relais et de pôles d’échange ; et enfin les projets de pistes cyclables nationales.

 

La consultation du PDST permet d’anticiper d’éventuelles procédures d’expropriation dans la mesure où l’Etat devrait faire l’acquisition de terrains privés nécessaires à la réalisation des projets précités.

 

d) Le PDS Paysages

 

Le PDSP est probablement le plan le plus normatif des quatre PDS.

 

En substance, le PDSP définit des zones de préservation des grands ensembles paysagers, des zones vertes interurbaines et des coupures vertes. Dans ces zones, des dispositions spécifiques sont prévues pour éviter des fragmentations nouvelles du paysage par des « installations linéaires » (sous réserve des dérogations figurant dans le PDSP) et pour interdire, dans certains cas, les extensions de zones urbanisées ou destinées à être urbanisées dans les plans d’aménagement général des communes (augmentation du périmètre constructible des communes).

 

Les différents PDS sont consultables sur le site internet de l’aménagement du territoire :

https://amenagement-territoire.public.lu/fr/plans-caractere-reglementaire.html

 

III. Recours

 

Conformément à l’article 16 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives un recours est ouvert devant le tribunal administratif contre les PDS, qui sont des actes administratifs réglementaires.

 

« Le délai d’introduction est de trois mois à partir de la publication de l’acte attaqué ou, à défaut de publication, de la notification ou du jour où le requérant en a eu connaissance. ».

 

En l’occurrence, les PDS ayant été publiés au Journal Officiel en date du 25 février 2021, un recours serait ouvert jusqu’au 25 mai 2021.

 

Il convient de relever qu’en vertu de l’article 12 (4) de la loi précitée concernant l’aménagement du territoire, « les observations des intéressés concernant le projet de plan directeur sectoriel doivent, sous peine de forclusion, être présentées par écrit au collège des bourgmestre et échevins de la commune territorialement concernée dans les quarante-cinq jours à compter du dépôt public effectué conformément au paragraphe 2, alinéa 5. ».

 

Or, par parallélisme à la jurisprudence en matière de plans d’aménagement général des communes, il est probable (bien quel cette position nous paraisse fort critiquable du point de vue de sa rigueur juridique et de son opportunité), que les juridictions administratives considèreront qu’une personne n’est pas recevable à introduire un recours en annulation contre un plan directeur sectoriel si cette dernière personne n’a pas réclamé en temps utile au moment de l’enquête publique (irrecevabilité omisso medio).

 

Cette transposition de cette jurisprudence en matière de PDS ne devrait toutefois pas selon nous être privilégiée alors que le fondement même de celle-ci est de contraindre les administrés à suivre une voie précontentieuse de résolution des différends. Dans le cadre de la procédure de modification ou de refonte d’un PAG, les administrés disposent de la possibilité de réclamer contre un changement de règlementation urbanistique qui leur causerait grief. Ils sont ensuite entendus oralement par l’autorité en charge de l’adoption du plan et cette dernière statue sur leur réclamation. Un dernier « round » de réclamation est ensuite possible auprès de l’autorité de tutelle.

 

Cependant, en matière d’aménagement du territoire, il n’y a pas d’aplanissement des différends en tant que tel. C’est la raison pour laquelle nous estimons (outre les débats qu’il y a lieu d’avoir sur les fondements juridiques de l’irrecevabilité omisso medio) que la jurisprudence précitée ne doit pas être transposée en matière de PDS.

 

Si tel devait être le cas, il y aurait selon nous atteinte au principe du droit au recours effectif.

 

 

Par Me Sébastien COUVREUR - Avocat à la Cour

 

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Pour aller plus loin, nous vous aiguillons vers les autres articles de notre étude traitant des projets de plans directeurs sectoriels :

 

- Le bout du tunnel pour les plans directeurs sectoriels ?

- Plans directeurs sectoriels, version 2018

- Projets de plans directeurs sectoriels - quels droits pour les propriétaires d’immeubles / promoteurs / développeurs (…) ? 

- Conférence des 12 & 14 juin 2018 : Plans directeurs sectoriels, droit de préemption, environnement.

- Plans directeurs sectoriels : débat « Lëtzebuerg zesummen entwécklen »

- Plans directeurs sectoriels – le Gouvernement cherche le dialogue

- Le Gouvernement annule la procédure d'adoption des plans directeurs sectoriels

- Opposition formelle du Conseil d'Etat au projet de loi portant modification de la loi sur l'aménagement du territoire

- Nouveaux amendements à la loi du 30 juillet 2013 concernant l'aménagement du territoire

- Plans sectoriels : la politique gouvernementale désavouée

- Les incohérences du plan sectoriel zones d'activités économiques

- Parlons expropriation

- Projet de loi modifiant la loi du 30 juillet 2013 concernant l'aménagement du territoire

- Le problème des dispositions transitoires des plans sectoriels

- Plans sectoriels, et le citoyen dans tout ça ?

- Le plan directeur sectoriel "Logement" (version 2014)

- Le plan directeur sectoriel "zones d'activités économiques" (version 2014)

- Le plan directeur sectoriel "Paysages" (version 2014)

- Le plan directeur sectoriel "Transports" (version 2014)

- Les plans directeurs sectoriels, annoncés pour fin mai 2014

- Plans directeurs sectoriels, approche critique d’une planification inédite (2014)

 

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