Droit immobilier

Le cadastre des biotopes : un "acte administratif" insusceptible de recours !

Me Stéphane PELZER



Le cadastre des biotopes : un "acte administratif" insusceptible de recours !


Par une décision du 3 février 2016, numéro 35314 du rôle inscrit le 15 octobre 2014, le Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg a eu une interprétation discutable sur la portée juridique du cadastre des biotopes.

 

Dans cette affaire, les requérants ont été avisés par courrier que leur terrain était répertorié dans le cadastre des biotopes.

 

La présence de biotopes a pour conséquence de soumettre ledit terrain à des contraintes très strictes, notamment en matière d’aménagement, donc de construction et d’urbanisme.

 

Il est incontestable qu’un propriétaire dont le terrain est ainsi classé voit sa valeur diminuée.

 

En l’espèce, les requérants ont contesté la décision de classement prise par l’administration, considérant que celle-ci leur faisait grief.

 

Or, le Tribunal administratif ne les a pas suivi dans leur raisonnement en considérant que :

 

«Dépourvu de valeur juridique propre, le cadastre des biotopes s’analyse dès lors en un outil de simplification administrative, librement consultable sur internet, qui, en tant que guide de référence, est non seulement censé permettre de faciliter l’action des agents du département de l’Environnement, notamment pour déceler les zones à risque, mais également d’avertir les propriétaires de terrains de l’existence de zones susceptibles de tomber dans le champ d’application des dispositions protectrices de l’article 17 de la loi du 19 janvier 2004. »


Pour autant, le juge administratif ne parvient pas à identifier la véritable portée du cadastre des biotopes puisqu’il considère que :

 

« (…) le ministre sera tenu à chaque fois d’analyser et de justifier in concreto l’existence d’un site ou de végétation méritant la qualification de biotope, sans pouvoir se retrancher derrière les seules données factuelles figurant au cadastre pour qualifier automatiquement un terrain donné de biotope. (…)le seul fait qu’un biotope n’a pas été localisé sur un terrain donné, ni matérialisé par le biais du cadastre ne signifie pas pour autant que ledit terrain ne tomberait pas dans le champ d’application des dispositions protectrices de l’article 17 de la loi du 19 janvier 2004. »

 

Au regard de ce qui précède, le cadastre des biotopes semble bénéficier d’un statut hybride à géométrie variable :

 

En effet, ce que le juge administratif qualifie d’ «outil de simplification » représente :

 

-           pour l’administré qui voit son terrain répertorié au cadastre des biotopes, une décision administrative qui orientera mécaniquement la décision du ministre de l’Environnement ; certes, en théorie, la décision en question peut être qualifiée de préparatoire mais en fait elle matérialise davantage une véritable décision modifiant la situation du propriétaire concerné.

 -          pour le juge administratif, un document administratif n’ayant aucune portée juridique.

 

Or, le classement des terrains par le cadastre des biotopes ne peut, objectivement, être considéré comme un simple acte préparatoire dépourvu de valeur juridique puisqu’il est systématiquement validé par le ministre de l’Environnement.

 

Ainsi, pour une bonne administration et au regard de la portée réelle du classement par le cadastre des biotopes sur la situation juridique des administrés, il serait plus simple de considérer que ce classement constitue une décision administrative susceptible de recours aux motifs qu’elle fait grief et qu’elle modifie la situation juridique de son destinataire.

 

Une telle solution permettrait aux administrés, légalement avisés, de contester le classement de leur terrain et d’être définitivement fixés sur la qualification et sur la valeur marchande de leur terrain ; quant à l’administration elle pourrait procéder sereinement à la planification urbanistique sans risquer de voir ses projet retardés ou avortées par une remise en cause d’un classement du cadastre des biotopes pris des années auparavant.

 

En ce sens, la décision du Tribunal manque d’audace.

 

Le véritable «outil de simplification » est celui qui est limpide pour l’administré et efficace et durable pour l’Administration.

 

Or, la solution dégagée par le Tribunal va à l’encontre de ces deux critères.

 

Toutefois, si l’essentiel du débat s’articule autour des conséquences d’un classement par le cadastre des biotopes; il ne faut pas oublier que la notion de biotope n’a toujours pas été définie légalement au Grand-duché, si bien qu'elle demeure malheureusement susceptible d'interprétation, tant pour l'administration que pour l'administré.

 

 

Stéphane PELZER, avocat

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